Libres Expressions

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L’urbanisation et le destin incertain des milieux naturels

De l’information… à la gestion

Azzedine G. Mansour – 30 octobre 2011

 

On ne peut pas aborder la question de l’urbanisation sans évoquer l’une de ses conséquences les plus dramatiques : celle de l’ « artificialisation » des milieux naturels et des terres agricoles [1] qu’elle induit. Ce phénomène, qui connait une croissance accélérée depuis le XIXe siècle, survient dès qu’un milieu perd sa qualité de « naturalité » [2] et sa capacité d’abriter une certaine biodiversité, sous l’effet d’un développement humain extensif et excessif tout à la fois. Il concerne presque tous les pays du monde et touche tout milieu naturel fortement transformé par l’homme. Il est particulièrement accentué à proximité des établissements humains construits comme les grandes métropoles soumises à deux autres phénomènes qui lui sont directement liés : l’étalement urbain et la périurbanisation. Se situant aux antipodes de la philosophie qui sous-tend le développement durable, il n’épargne enfin ni les milieux naturels (parcs, habitats naturels, domaines forestiers, particulièrement ceux qui sont sillonnées de pistes et de chemins ; cours d’eau canalisés et fragmentés de barrages et de digues ; etc.) et les zones agricoles (terres cultivées, pâtures, etc.), ni les littoraux et les estuaires qui se font de plus en plus envahir par de vastes réseaux routiers et des aménagements de type touristique, industriel et portuaire non moins étendus eux aussi…

 

 

Les sols « naturels » sont peu à peu couverts de constructions, comme ici dans la banlieue de Nicosie, à Chypre… l’un des pays, avec les Pays-Bas, le Portugal, l’Irlande et l’Espagne qui ont « artificialisé » le plus de terres par rapport à leur superficie entre 2000 et 2006. Source : Science & Vie, № 1124, Août 2011, pp. 30-31

 

Les impacts du phénomène

 

Parmi les facteurs qui sont directement impliqués dans l’artificialisation croissante des territoires naturels, on peut en rappeler ici principalement trois :

 

1 – il y a, d’abord, l’augmentation de la population urbaine qui, sous les effets conjugués de l’exode rural, de la croissance démographique naturelle et des diverses migrations, entraine l’extension des zones urbaines au-delà de leurs périphéries immédiates ;

 

2 – vient, ensuite, le développement de nouvelles activités qui, pour des raisons strictement économiques, prennent place le long des littoraux, comme les installations touristiques et portuaires, ou en marge des villes, comme les industries, les aéroports, les centres commerciaux et les infrastructures qui leur sont associées (entrepôts, aérogares, réseaux routiers, etc.) ;

 

3 –  suivent, enfin, les transformations sociales, notamment les changements de mode de vie, qui se manifestent entre autres par de nouvelles formes d’habitat moins dense et beaucoup plus éparse.

 

Si ces facteurs agissent de façons différentes d’un pays à l’autre, leurs impacts sur les milieux environnants sont, en revanche, très souvent similaires. Ils menacent non seulement les écosystèmes des territoires touchés et leurs biodiversités respectives, mais pèsent lourdement aussi sur leur capacité de production agricole en modifiant substantiellement la nature de leurs sols. On peut en résumer ici, sous divers angles, quelques-uns d’entre eux.

 

– D’abord, d’un point de vue éthique, l’artificialisation des milieux naturels entraînée par une urbanisation excessive remet en question la relation qu’entretient l’homme avec la nature. Devenu de plus en plus urbain, son comportement n’est pas sans causer de sérieux dommages (dégradation de l’environnement, fragmentation des écosystèmes, recul de la biodiversité, etc.) au milieu naturel qui l'entoure, dommages très souvent irréversibles qui risquent d’hypothéquer grandement son avenir.

 

– Ensuite, sur le plan agronomique, ce phénomène conduit à une perte des ressources naturelles et agricoles. Il entraîne également un repli des terres cultivables au profit des zones construites. Autour des villes, la périurbanisation qui lui est associée, est souvent pointée du doigt. À elle seule, elle est en grande partie responsable du recul des milieux naturels périurbains et de l'agriculture. En région parisienne, à titre d’exemple, l'espace agricole a reculé de 18,4 % entre 1979 et 2000, ce qui a entraîné la disparition d’environ 50 % des exploitations établies tout autour [3]. Par ailleurs, l’imperméabilisation des sols issue de leur artificialisation, notamment par la construction d’infrastructures de toutes sortes en béton et en asphalte, diminue leur capacité de rétention de l’eau qui engendre à son tour leur perte de fertilité. En Europe, « on évalue à 4 millions de tonnes la production de blé ainsi perdue tous les ans. » [4]

 

– En outre, ces sols imperméabilisés ne sont pas sans engendrer d’autres dommages beaucoup plus dramatiques. En leur présence, les eaux de pluie ruissellent et finissent par causer de graves érosions qui augmentent les risques de catastrophes naturelles, telles que les inondations, les coulées de boue, les affaissements de sols et les glissements de terrains, etc. De plus, leur présence en milieu urbain amplifie l’effet « d’îlot de chaleur » qui contribue à accroitre de quelques degrés la température dans les établissements humains habités (villes, villages, etc.).

 

– Enfin, d’un point de vue écologique, ce phénomène d’artificialisation porte atteinte à l’éco-potentialité [5] d’un milieu naturel et réduit dangereusement sa capacité de préserver en son sein une certaine biodiversité. En effet, il constitue non seulement une menace réelle pour les habitats naturels, mais aussi un facteur sérieux de dégradation des paysages. Dans un tel contexte, pour ne citer ici qu’un seul exemple, il est très difficile pour des animaux de traverser une autoroute ou une quelconque « barrière » artificielle, érigée par l’homme en pleine nature, sans risquer d’être séparés des autres éléments de leurs espèces respectives et entraver, par conséquent, leurs cycles de reproduction.

 

L’étendue du phénomène : des faits et des chiffres

 

Si l’on se fie aux diverses études consacrées aux effets que l’urbanisation produit sur les terres agricoles et les milieux naturels, on se rend vite compte combien l’étendue du phénomène est inquiétante à l’échelle mondiale. Les faits et les chiffres sont parfois alarmants.

 

1 – En Europe :

 

En effet, selon un article paru dans Science & Vie (№ 1127, août 2011, pp. 30-31) et citant un rapport [6] de la Commission européenne qui vient d’établir un bilan du phénomène sur une période de 10 ans (1990-2000), l’artificialisation des sols de l’Europe des 27 prend de l’ampleur chaque année. Elle progresse, en effet, à un rythme particulièrement inquiétant,  d’environ 3 % par an, mettant ainsi en danger aussi bien les terres arables de ce sous-système géographique que ses nappes aquifères. En une décennie, elle serait passée de 176 150 à 186 200 km², soit une croissance de l’ordre de 5.7 %. Par ailleurs, on évalue qu’environ 275 hectares de sols naturels et de terres agricoles y sont imperméabilisés quotidiennement, soit 31 m2 d’espaces perdus à chaque seconde et plus de 1 000 km2 de territoire gâchés ainsi sur une base annuelle. Soumis à une urbanisation effrénée, ces espaces sont désormais couverts par toutes sortes d’infrastructures et d’aménagements (centres commerciaux, lotissements, bâtiments, routes, parkings, voies ferrées, etc.) et représentent environ l’équivalent de la superficie d’une ville aussi étendue que Berlin. C’est également un territoire naturel aussi vaste que Chypre qui aurait été perdu ainsi en une seule décennie. Encore faut-il rappeler ici qu’une telle estimation demeure imprécise dans la mesure où ce bilan, qui s’appuie sur l’imagerie satellitaire, incapable de montrer les détails en deçà de 5 hectares, ne comptabilise pas les petits hameaux implantés en plein milieu des champs et le réseau routier étroit qui les dessert.

 

 

Répartition des espaces artificialisées sur le territoire européen : 4,4 % sont soustraits à la nature et à l’agriculture pour accueillir des routes, des parkings, des bâtiments et d’autres infrastructures. C’est près de 400 m2 par habitant. Les disparités sont énormes : Malte compte ainsi 25 % de sols artificiels, la France, 5 % et la Suède, 2 %...

Source : Science & Vie, № 1124, Août 2011, pp. 30-31

 

Concrètement, on estime qu’à l’échelle de l’Union européenne tout entière, environ 4,4 % (4,1 %, 4,3 % et 4,4 % en 1990, 2000 et 2006 respectivement) des terres arables ont été jusqu’à présent grignotés par l’urbanisation et soustraits, par le fait même, à la nature et à l’agriculture. Cela correspond globalement à une hausse de 8,8 % étalée de 1990 à 2006 et ce même si le rythme des pertes semble avoir légèrement ralenti entre 2000 et 2006 pour les limiter aux alentours de 920 km2 par an, soit environ 252 hectares par jour. En dépit de ce léger ralentissement, la tendance demeure néanmoins toujours lourde puisque, depuis lors, ce sont quand même 3 % d’espaces supplémentaires qui sont venues s’ajouter au lot des terres artificialisées auparavant. Ce bilan parait davantage plus dramatique quand on le répartit sur l’ensemble de la population européenne dont la croissance n’a pas excédé le seuil des 5 % durant cette même période. En 2006, chaque citoyen de l'Union disposait en effet, d’environ 389 m² de surfaces artificielles, soit une augmentation de l’ordre de 3,8 % ou de 15 m² par rapport à 1990.

 

Cela dit, il convient de préciser ici que l’étendue du phénomène est vécue différemment d’un pays à l’autre de l’Europe. La France compte 5 % de sols artificiels alors que la Suède n’en enregistre qu’environ 2 %. Malte, dont 6 % seulement de la surface de ses îles étaient urbanisées en 1910 (contre 21 % actuellement), comprend aujourd’hui 25 % de sols artificiels. L’étalement urbain et le développement du secteur tertiaire de l'économie, qui incluent les services commerciaux et les infrastructures touristiques, y sont tout particulièrement mis en cause. En Italie, la situation n’est pas plus reluisante puisqu’en moyenne, 30 000 hectares de terres agricoles, et des plus productives de surcroit, y seraient ainsi perdues chaque année (Italia, Ministero dell' Ambiente, 1997 : 73 ; Plan Bleu 2, 2003 : 27). Il en est de même pour la Grèce où ces pertes, induite essentiellement par l'extension des zones industrielles et urbaines réalisée entre 1971 et 1981, sont estimées à plus de 20 000 hectares, soit environ 0,57 % de l’ensemble des terres arables enregistrées en 1994 (Greece, Ministries of Foreign Affairs, National Economy and Environment, Physical Planning and Public Works, 1992 : 66 ; Plan Bleu 2, 2003 : 27). Mais, c’est en Chypre enfin que la situation est la plus dramatique. Il est perçu comme l’un des pays d’Europe qui aurait « artificialisé » le plus de terres par rapport à sa superficie. Entre 2000 et 2006, il a connu, avec les Pays-Bas, le Portugal, l’Irlande et l’Espagne, une augmentation de plus de 7,5 % (contre 3 % pour l’ensemble de l’Union européenne). Dans la péninsule ibérique, l’artificialisation massive des terres résulte essentiellement des constructions liées au développement excessif du tourisme. Dans la région de Marbella-Malaga, pour ne citer ici que celle-ci, le problème prend des proportions hallucinantes. L’examen des images satellitaires du programme européen « Lacoast » (Corine Land Cover) illustre clairement l’étendue réelle du phénomène :

 

« … sur une bande littorale large de 1 kilomètre, rapporte Laura de Franchis, rédactrice des Cahiers du Plan Bleu 2, la partie artificialisée est passée de 37 % du total en 1975 à 68 % en 1990 (soit un accroissement de 83 % sur la période, avec un taux de croissance annuel de 4 %). Cette progression s'est réalisée essentiellement aux dépens des terres agricoles (passées de 26 % à 9 %, soit une perte de 64 %), des forêts et des milieux semi-naturels (qui ont régressé de 22 %) et des surfaces en eau (passées de 1,20 % du total à 0,20 %). (Plan Bleu, 2000 : 120) » (Plan Bleu 2, 2003 : 17).

 

Sur le plan régional, cette problématique n’est cependant pas vécue de la même manière ni avec la même intensité non plus. Dans un même pays, en effet, d’énormes disparités ont été observées durant la même période. Certaines régions, beaucoup plus que d’autres, sont touchées par une croissance, parfois très rapide, des surfaces artificielles. Au Pays-Bas, à titre d’exemple, la moitié des provinces présente ce cas de figure.  En Italie, on compte huit régions, dont Vercelli, Lodi, Vérone, Piacenza, Parme, Campobasso, Matera et Catanzaro, qui sont prises avec un tel phénomène. Il en est de même pour Poznań (Pologne), Põhja-Eesti (Estonie) et Jugovzhodna (Slovénie). 

 

En France, la situation n’est guère réjouissante. L'artificialisation des terres constituerait la principale menace à laquelle sont confrontés les sols arables et les milieux naturels de ce pays. D’ailleurs, on estime que 90 % des surfaces artificialisées qu’il compte aujourd’hui proviennent de ses meilleurs sols agricoles. De plus, trois de ses 96 départements (Vendée, Tarn-et-Garonne et Corrèze) se trouvent dans le peloton de tête des territoires européens les plus touchés par ce phénomène qui concernerait, chaque année, une moyenne d’environ 50 000 hectares si l’on croit les chiffres avancés par M. Chaline (Plan Bleu, 2001 : 24 ; Plan Bleu 2, 2003 : 27). Selon l’Institut français de l'environnement (IFEN), ce bilan est beaucoup plus lourd en réalité puisqu’à l’échelle de l’ensemble du territoire métropolitain, il enregistre annuellement une augmentation de l’ordre de 60 000 hectares, soit 6 000 km² d’espace en dix ans [7]. Une telle progression est confirmée également par une étude consacrée au marché foncier rural et menée par la Fédération nationale des Safer (FNSafer). Selon cet organisme, la perte des sols naturels français est en constante croissance. L’urbanisation, qui en grignotait presque 54 000 hectares par an durant les années 80 et 61 000 hectares dans les années 90, s’est accrue à un rythme tel que la perte annuelle ait pu atteindre 74 000 hectares entre 2006 et 2008 [8]. Ainsi, au total, la France aurait perdu environ 7 millions d’hectares de sols agricoles en un demi-siècle.

 

Par ailleurs, selon une autre étude, Agreste, publiée en juillet 2010, en trois décennies, les terres agricoles françaises, qui représentaient plus de la moitié du territoire métropolitain en 2009 (54 %), ont reculé de 93 000 hectares au profit des sols artificialisés (sols bâtis, revêtus, etc.). En trois ans, ces derniers ont gagné une superficie d’environ 259 000 hectares, soit 86 000 hectares par année. En moyenne, ce sont presque 236 hectares qui sont ainsi perdus sur une base quotidienne, soit l’équivalent de la superficie d'un département moyen tous les sept ans. Les régions, les plus touchés par ce phénomène, sont souvent moyennement urbanisées (entre 8 et 12 % de taux d'artificialisation) et très agricoles (45 % de sols cultivés) [9]. Il en est de même pour les 885 communes du littoral qui ne représente que 4 % du territoire métropolitain. Dans ces zones où des aires « naturelles » sont pourtant protégées par la loi « littoral » et épargnées grâce aux efforts et à la vigilance du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, le taux d'artificialisation qui atteint 28,2 % en moyenne, est 5 fois et demie supérieur à la moyenne métropolitaine [10]. On pense particulièrement aux littoraux du Nord-Pas-de-Calais, des Pays de la Loire, du Languedoc-Roussillon et de PACA où la construction a entrainé l’artificialisation de plus grandes surfaces de terres naturelles. Celui des Alpes Maritimes dont 35 % du territoire est touché par le problème serait aujourd'hui le littoral le plus artificialisé de tous les départements côtiers français (Plan bleu 2, 2003 : 17). Il faut dire que, dans ces régions littorales, la croissance urbaine, induite à la fois par l'exode rural et le développement du tourisme côtier résidentiel, fut si importante qu’elle a fini par grignoter de larges bandes dans l’arrière-pays au dépens des terres agricoles et des forêts qui auraient connu des pertes respectives de l’ordre de 4 % et 0,7 % en une décennie et demie : « … sur une bande (…) de 2 kilomètres, (les premières) sont passées de 12 % de la superficie en 1975 à 8 % en 1990, (alors que les secondes), mieux protégées, ont reculé de 28,45 % (…) à 27,75 %... (Plan Bleu, 2001 : 121) » (Plan bleu 2, 2003 : 18).

 

2 – En Amérique du Nord :

 

De l’autre côté de l’Atlantique, la situation n’est pas moins dramatique. En effet, même si en Amérique du Nord, « la quantité et la distribution spatiale des terres agricoles par rapport aux autres affectations du sol – qu’il s’agisse d’établissements urbains, d’installations industrielles ou de voies de transport – sont très différentes de ce qu’elles sont en Europe, le développement urbain lié à l’exploitation des sols agricoles autour des villes (y) est un problème désormais reconnu » [11]. Aux États-Unis, par exemple, ces sols qui sont quantitativement moins importants qu’en France alors que la superficie totale du pays en est 17 fois plus grande, régressent considérablement. Selon une étude de Jean-Christophe Dissart, en une décennie (1992-2002), ils en ont perdu environ 0,40 % chaque année (presque 1 546 021 hectares en valeur absolue), soit l’équivalent de la moitié du territoire belge [12]. Cette régression est due essentiellement au développement urbain. Selon le rapport Geo-4 (2007) du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), on estime en effet, qu’à l’échelle de l’ensemble des États-Unis, « presque la moitié des pertes nettes de prairies entre 1982 et 1997 résultait de ce phénomène » [13]. L’étalement urbain en est particulièrement incriminé. Cette forme de développement physique des villes nord-américaines correspond en réalité au processus de suburbanisation (du mot anglais « suburb » qui désigne tout l’espace développé en marge des villes-centres) qui s’est largement intensifié aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Caractérisé par des modes d’occupation peu denses de l’espace, il est à l’origine de la destruction des milieux naturels et de la fragmentation écologique des paysages qui entourent les centres urbains. On estime que, durant les 20 dernières années, sa progression a été si fulgurante qu’il est devenu un élément-clé du débat ayant trait aux problèmes urbains et environnementaux qu’il pose et auquel participent les différents acteurs (politiciens, administrations publiques, architectes, urbanistes, organisations civiques ou environnementalistes, entreprises du secteur immobilier, etc.) impliqués dans le processus de croissance spatiale des agglomérations. En 2000, il a même gagné du terrain deux fois plus rapidement que le taux de croissance de la population tant aux États-Unis (HUD, 2000 ; Geo-4, 2007 : 256) qu’au Canada où l’on compte aujourd’hui trois des dix zones urbaines les plus étendues au monde (Calgary, Vancouver et Toronto) (Schmidt 2004 ; Geo-4, 2007 : 257).

 

Cet étalement croissant en périphérie des villes nord-américaines est aussi responsable de la fragmentation des  forêts, la disparition des prairies et la perte des sols agricoles situés à la lisière des zones urbaines. Aux États-Unis, sur les 36 400 km² de territoire construit, entre 1997 et 2001, 20 % des espaces étaient antérieurement des terres agricoles, 46 % étaient couverts de forêts et 16 % réservés aux pâturages (NRCS, 2003 ; Geo-4, 2007 : 258). Cette tendance est observée également au Canada où presque 50 % des espaces convertis en zones urbaines au cours des trois dernières décennies étaient auparavant d’excellentes terres agricoles (Hoffmann 2001 ; Geo-4, 2007 : 258). Dans la province du Québec, l’étalement urbain a causé la perte de plus de 3 000 hectares de terres agricoles, soit environ 2 % du sol cultivable québécois, au cours des 10 dernières années. Dans le reste du Canada, ces pertes sont encore plus importantes. Elles sont de l’ordre de 6 à 12 %, selon un estimé de l’Union des producteurs agricoles [14]. Même le réseau routier qui occupait presque 1 % des terres nord-américaines au début des années 2000, n’est pas neutre. Son déploiement aurait affecté directement les structures et les fonctions écologiques d’environ 22 % du territoire (Allen, 2006 ; Ewing et al., 2005 ; Ricketts et Imhoff, 2006 ; USGS, 2005 ; Geo-4, 2007 : 292).

 

 

En Amérique du Nord, l’étalement urbain croissant est responsable de la fragmentation des  forêts, la disparition des prairies et la perte des sols agricoles situés à la lisière des zones urbaines. Aux États-Unis, 20 % du territoire construit étaient jadis réservés à l’agriculture, 46 % étaient couverts de forêts et 16 % occupés par des pâturages…

Source : http://www.actu-environnement.com/ae/news/etalement-urbain-mobilite-precarite-energetique-12742.php4.

 

L’étalement rural ou exurbain [15] est un autre phénomène qui est, lui aussi, fortement mis en cause. Il a progressé plus que toutes les autres formes d’expansions en Amérique du Nord au cours des dix dernières années et représente une menace de plus en plus sérieuse aussi bien pour les zones naturelles, y compris celles qui sont protégées, que pour leurs écosystèmes respectifs (Geo-4, 2007 : 257). Ce phénomène très inquiétant est observé un peu partout sur le continent. Dans la Vallée Centrale de Californie, qui nourrit le quart de la population des États-Unis, la croissance exurbaine est telle qu’elle menace désormais ce grenier très productif du pays (Hammond 2002 ; Geo-4, 2007 : 258). Il en est de même pour l’ensemble des régions situées à l’ouest du Mississipi où, Durant les années 1990-2000, le phénomène aurait connu une augmentation de 17,3 % (Conner et al. 2001 ; Geo-4, 2007 : 258).

 

En outre, ce type d’étalement, conjugué aux divers développements commerciaux non loin des zones protégées, menace grandement l’intégrité et la naturalité de ces espaces. Si l’on se fie aux données du rapport Geo-4 du PNUE qui cite une étude de Bass et Beamish (2006), ce phénomène aurait en effet pris beaucoup d’ampleur depuis les dix dernières années. En 2000, aux États-Unis, les installations qui lui sont liées couvraient une superficie d’environ 126 000 km2. La situation n’est guère différente pour l’habitat exurbain proprement dit. Durant la même période, ce dernier occupait une place de plus en plus importante, « sept fois plus importante », peut-on lire, et couvrait environ 11,8 % de l’ensemble du territoire américain (Theobald 2005 ; Geo-4, 2007 : 258). Parmi les régions les plus touchées, on pointe souvent du doigt les zones rurales situées à proximité des Rocheuses, dans les États du Sud et en Californie. Il en est de même pour le Canada, particulièrement dans ses provinces de l’Ouest, où la situation est presque similaire. Selon une étude menée par Azmier et Dobson (2003 ; Geo-4, 2007 : 258), dans cette partie du pays, cette forme d’étalement aurait « été la caractéristique (principale) de la majeure partie de la croissance de la population rurale de 1991 à 1996… ».

 

3 – En Amérique Latine et dans les Caraïbes :

 

La région de l’Amérique Latine et des Caraïbes, qui comprend 33 pays répartis dans trois zones : les Caraïbes, la Méso-Amérique (c’est-à-dire le Mexique et l’Amérique Centrale) et l’Amérique du Sud, n’est pas épargnée, elle non plus, par les problèmes que posent l’artificialisation des sols cultivables et la dégradation des milieux naturels. Outre la déforestation, l’érosion, l’intensification agricole, le surpâturage, la salinisation des sols et la mauvaise gestion de la sécheresse qui causent la perte d’environ 3,1 millions de km2, soit près de 15,7 %, de l’ensemble ses terres (26 % en Amérique Centrale et 14 % en Amérique du Sud), l’urbanisation en est également impliquée. Ceci est d’autant plus vrai qu’en moins de deux décennies, ce sous-système géographique s’est vite retrouvé à la tête « des régions les plus urbanisées du monde en voie de développement, avec un niveau d’urbanisation comparable à celui des pays développés. » (Geo-4, 2007 : 242). En effet, de 1987 à 2005, sa population urbaine est passée globalement de 69 à 77 % de la population totale qui, elle, fut estimée à 560 millions d’habitants en 2005 [16]. Dans certains pays, comme l’Argentine, Porto Rico et l’Uruguay, elle dépasse même la barre des 90 %. Et si, à l’échelle de toute la région, son taux de croissance semble avoir ralenti quelque peu, passant d’environ 2,8 % annuels entre 1985 et 1990 à presque 1,9 % entre 2000 et 2005 (Geo-4, 2007 : 242), dans certaines villes, en revanche, comme  Mexico, Sao Paulo et Buenos Aires qui abritent respectivement 20, 18 et 13 millions d’habitants, il ne cesse de croître. Entre 1980 et 2000, les taux de croissance annuelle dans ces trois mégapoles se tenaient respectivement autour de 2, 4 et 1 % (Geo-4, 2007 : 242).

 

Conjuguée à l’exode rural dont la cause première est l’appauvrissement des milieux ruraux, cette croissance de la population a transformé en moins d’un demi-siècle – et de façon radicale – le schéma traditionnel de l’occupation du sol. Si, dans les années 1950, cette dernière était à prédominance rurale, aujourd’hui, en revanche, la situation s’est complètement renversée. De nombreux pays de la région, comme l’Argentine, le Chili et le Venezuela, se sont vite urbanisés. D’autres, comme le Paraguay, l’Équateur et la Bolivie, qui appartiennent à la catégorie des nations les moins urbanisées de ce sous-continent, présentent néanmoins les taux d’urbanisation les plus élevés : 3,3 à 3,5 % annuellement, selon les sources (Galafassi, 2002 ; Anderson,  2002 ; Dufour et Piperata, 2004 ; Geo-4, 2007 : 242). À ce rythme, même les villes de tailles moyennes, et plus particulièrement celles qui sont pourvues d’installations touristiques ou dotées tout simplement d’industries manufacturières florissantes, ne cessent de croître.

 

Les demandes en ressources liées à cette urbanisation effrénée entrainent très souvent des développements urbains anarchiques qui empiètent sur les terres agricoles et les milieux naturels environnants. Ajoutés à l’incapacité des institutions à renforcer leurs politiques et réglementations environnementales, ces développements dont une bonne partie ne s’inscrit pas dans le cadre d’une planification urbaine participative et orientée vers l’écologie, sont en partie impliqués aussi bien dans la dégradation des terres, notamment celles situées le long du littoral, que dans les changements d’utilisation des sols et la déforestation. D’ailleurs, sur ces deux chapitres, le bilan est parfois on ne peut dramatique. Les forêts, qui représentent 23,4 % de la couverture forestière mondiale, sont de plus en plus menacées.

 

En raison d’une urbanisation non contrôlée des villes et d’une utilisation non planifiée des sols, ces dernières décroissent rapidement. Elles sont sacrifiées au profit de la croissance des zones urbaines et de la construction de grandes infrastructures, telles que les routes et les barrages, ou converties en pâturage et en zones de monoculture dont les récoltes sont destinées à l’exportation ou à la production de biocarburants. Elles sont également soumises à la spéculation foncière et la demande sans cesse grandissante en bois de construction ou victimes tout simplement des feux de forêt. On estime qu’entre 2000 et 2005, 66 % des pertes mondiales de couverture forestière étaient enregistrées en Amérique Latine. Elles étaient particulièrement énormes en Amérique du Sud où elles atteignaient annuellement presque 43 000 km2, dont 73 % au Brésil (Geo-4, 2007 : 245). Il en est de même pour les terres situées le long du littoral. Elles subissent pratiquement le même sort. Habitées par presque la moitié de la population, ces terres côtières sont, elles aussi, grandement menacées. Presque un tiers d’entre elles, en Amérique Centrale, et environ la moitié en Amérique du Sud doivent composer avec sous les impacts du développement (Goulder et Kennedy 1997 ; Ewel et al. 1998 ; Geo-4, 2007 : 247).

 

4 – Autour du bassin méditerranéen :

 

Sur les rives sud et est du bassin méditerranéen, la croissance démographique [17] et l’urbanisation très souvent mal-maîtrisée ont soustrait de façon continue au secteur agricole, une partie de son potentiel productif [18]. En effet, même si, dans cette région du monde, les données relatives à l’« artificialisation » des sols naturels demeurent très fragmentaires et les sources le plus souvent contradictoires, le bilan n’est pas moins dramatique qu’ailleurs. Ainsi, selon un rapport du Ministère de l’environnement égyptien, il semble qu’en Égypte, environ 315 000 hectares de terres agricoles auraient été artificialisées entre 1960 et 1990, soit une perte annuelle de l’ordre de 10 000 hectares ou un recul total de presque 0,29 % de l’ensemble des terres arables du pays dont la superficie était estimée à 3,5 millions d’hectares en 1994. Depuis le début des années 1990, ces pertes auraient progressé considérablement pour se situer désormais autour de 12 600 hectares par an, ce qui représente un recul d’environ 0,36 % de toutes les terres cultivables enregistrées à l’échelle du pays en 1994 (EEAA, 1997 : 44 ; Plan Bleu 2, 2003 : 19). Ce bilan est revu à la hausse par Chaline (Plan Bleu, 2001 : 24 ; Plan Bleu 2, 2003 : 19) qui cite d’autres chiffres beaucoup plus dramatiques. Selon lui, depuis un demi-siècle, l’Égypte aurait perdu au total 1 225 000 hectares de terres agricoles, soit 35 % de l’ensemble de ses terres arables. Ce sont 25 000 hectares de bonnes terres qui seraient ainsi consumées annuellement par le phénomène d’artificialisation.

 

Au Liban, dont la superficie totale tourne autour de 10 500 km2, les terres arables ont connu une chute d’environ 16 % en 47 ans (1961-2008) [19]. Durant les vingt dernières années, l’extension souvent anarchique des villes a grignoté près de 15 % de ces terres à l’échelle du pays (Plan Bleu, 1999 : 117 ; Plan Bleu 2, 2003 : 19). Cette chute des terres arables touche également Israël qui, en moins d’un demi-siècle, en aurait perdu plus de 5 % [20]. Dans ce pays, au moins trois facteurs principaux sont à l’origine d’un tel bilan. D’abord, l’avancée des techniques agricoles a réduit considérablement les besoins en main d’œuvre et poussé les agriculteurs à quitter leurs exploitations ou à les convertir tout simplement à d'autres activités (commerciales, industrielles, etc.), entrainant ainsi l’artificialisation de vastes terrains agricoles. Ensuite, l’arrivée massive des immigrants en provenance des pays de l’ex-URSS (plus de 660 000 arrivants entre 1989 et 1995) a  incité les pouvoirs publics à prévoir des structures d’accueil (logements, équipements, infrastructures routières, etc.) dont la réalisation a conduit de façon irrémédiable à l'artificialisation de terres, parmi les plus fertiles, autour des villes. Enfin, l'absence d’un cadre règlementaire susceptible d’assurer une gestion et une planification efficace de l’espace a permis, elle aussi, des extensions urbaines souvent anarchiques qui ont causé un recul considérable des terres agricoles et des milieux naturels à l’échelle du pays tout entier (Y. Gradus et al, 1997 : 65 ; Plan Bleu 2, 2003 : 18). À ces trois facteurs, viennent s’ajouter les nombreux aménagements touristiques et les infrastructures qui leur sont liés réalisés depuis les vingt dernières années le long des côtes méditerranéennes. À eux seuls, ils ont entrainé l’artificialisation d’une proportion non négligeable des milieux naturels riverains qui rehaussaient jusque-là le charme de la côte tout entière. En Syrie, même si le contexte est différent qu’en Israël, le bilan est néanmoins presque similaire. En effet, durant la même période (1961-2008), les terres agricoles, qui font l'objet de récoltes et de pâturages permanents, ont enregistrées une perte d’environ 7 % [21]. La Turquie n’échappe pas, elle aussi, à ce phénomène. On estime qu’entre 1978 et 1998, environ 150 000 hectares de bonnes terres agricoles turques auraient été ainsi irréversiblement perdues (Plan Bleu, 2001 : 24 ; Plan Bleu 2, 2003 : 27).

 

Le Maghreb, lui aussi, est sérieusement confronté à une telle problématique. En Tunisie, la perte totale des terres agricoles est le résultat de l'action conjuguée de plusieurs facteurs dont l'érosion éolienne et hydrique, les inondations, la construction anarchique et l'urbanisation. On estime qu’au milieu des années 1990, cette perte était de l’ordre  23 000 hectares par an, dont le 1/5 (soit environ 4 000 hectares) uniquement sous le fait de l’extension des villes qui, dès les années 1960, étaient à un taux élevé d’exode rural (Elloumi, 2011 : 163). La ville de Tunis est de loin la plus touchée par ce phénomène. Située à l'extrême limite Est d'une zone de terres agricoles de grande importance, son extension urbaine se fait essentiellement aux dépens de ces terres si bien qu’entre 1986 et 1991, ses superficies urbanisées occupaient 3 970 hectares dont 2 440 de sol agricole, 1 160 de sol nu et 370 de berges de lac et de sebkhas (Elloumi, 2011 : 163 citant Gafsi, 1996). Les autres villes du pays, particulièrement celles qui sont situées le long du littoral, n’échappent pas à un tel processus. Leurs extensions grignotent le plus souvent leurs sols agricoles les plus riches. L’exemple de Sfax est très illustratif. En effet, la croissance que connait cette ville, depuis 1992, aurait, à elle seule, absorbé presque 9 000 hectares de terres agricoles environnantes (Plan Bleu, 2003 : 27). Désormais, sur un rayon de 7 à 8 kilomètres, les vergers aux alentours abritent des zones industrielles, des technopôles et des résidences principales ou secondaires. Selon Elloumi, « il s’agit d’une forme d’occupation de l’espace périurbain avec une double fonction de résidence et de production agricole, (occupation qui a tendance à se reproduire partout ailleurs au pays, notamment) dans les banlieues de Tunis : dans la pleine du Mornag au sud de la ville ou encore sur les hauteurs de Djebel Ammar au nord de la cité satellite de l’Ariana » (Elloumi, 2011 : 165). L’oasis de Gabès vit également le même problème. Le mitage de son espace par une urbanisation accélérée et anarchique aurait entrainé une perte d’environ 60 % de terres agricoles (Elloumi, 2011 : 163 citant Abdedaiem, 2009).

 

En Algérie, en dépit de l’existence à la fois d’un cadre réglementaire protégeant les terres agricoles et d’instruments de gestion urbaine, le mitage des sols arables a pris des proportions alarmantes. Ici, comme partout ailleurs à l’échelle de tous les pays de la région, les superficies urbanisées progressent à un rythme effarant. La dilatation des villes, liée à un exode rural soutenu et une pression démographique accrue, est mise bien évidemment en cause. Revêtant deux formes (large étalement de l’habitat dans des lotissements organisés et forte concentration d’habitat informel ou spontané), cette dilation urbaine tous azimuts, « … s’accompagne d’un considérable transfert dans les modes d’utilisation (et d’occupation) des sols, avec perte de terres agricoles, d’autant plus précieuses qu’elles sont en quantités limitées. » (Plan Bleu 2, 2003 : 19). Autour de la grande région métropolitaine d’Alger, elle est à l’origine de la perte d’au moins 140 000 hectares de terres arables (Plan Bleu, 2003 : 27). Plus au sud, dans la plaine de la Mitidja et du Sahel, elle s’est appropriée une superficie tout aussi importante de sols très fertiles (MATE, 2004 : 9). Vers l’ouest, dans la très agricole région de Tiaret, l’urbanisation mal contrôlée a grignoté presque douze fois plus de terres en trois décennies : « entre 1962 et 1992, la ville est passée de 40 000 habitants sur une surface construite d'environ 240 hectares, à 160 000 habitants sur près de 3 000 hectares (Université de Nice, 1992 : 152) » (Plan Bleu 2, 2003 : 19).

 

Les côtes algériennes sont, elles aussi, soumises à de fortes pressions démographiques et urbaines qui entrainent une inquiétante artificialisation de leurs sols. La zone côtière algéroise, à titre d’exemple, entre cap Djinet et Chénoua, abrite, à elle seule, le 1/7 de la population algérienne : 5,7 millions en 2010 (1 280 hab./km2) contre environ 4,3 millions d’habitants en 1998 (950 hab./km2), soit une croissance de 1,4 million en une décennie. Sur cette bande de terre d’à peine 115 km de long sur 38 de large, se concentrent près de 40 % de tout le réseau routier littoral. On y trouve également le premier port et le premier aéroport du pays, ainsi que les 2/3 (1 000 unités environ en 2001) de l’industrie nationale (métallurgie, chimie générale, constructions, pétrochimie, pharmacie, etc.). En dépit de l’existence d’une loi « littoral » qui est censée protéger les espaces côtiers, il n’en demeure pas moins que cette zone, qui est soumise à des extractions illégales de sable (5 millions de m3 enregistrés entre 1972 et 1995), connaisse un développement touristique à dominante balnéaire sans précédent (880 hectares) qui se fait souvent au détriment des surfaces agricoles utiles dont l’étendue se situait autour de 226 000 hectares en 2003. En raison de cette concentration de population et d’activités, on estime que, depuis l’indépendance du pays, cette portion du littoral algérien (la situation n’est guère différente aussi bien à l’est qu’à l’ouest) aurait perdu environ 13 700 hectares de ses terres les plus fertiles. De plus, sous l’effet d’un important boom de construction, cette perte se serait amplifiée davantage dans les années 2000 et aurait gagné plus de 4 000 hectares en 2010. Par ailleurs, la couverture végétale des sols est de plus en plus faible (elle est évaluée à 24 % seulement) et le recul du littoral sableux concerne désormais 80 % du linéaire. La biodiversité, elle aussi, est en nette régression, particulièrement dans les sites considérées très sensibles du littoral (Larid, 2003 ; Benoit et Comeau, 2005 : 305).

 

Outre ce phénomène d’urbanisation, l‘accès à la propriété foncière par le défrichement est aussi impliqué dans l’artificialisation des sols en Algérie. Selon un article de M. Laouar et A. Abdelguerfi de l’Institut agronomique d’El-Harrach (Alger), ce facteur, à lui seul, a entrainé un recul considérable des forêts et des parcours steppiques. En moins de dix ans (1985-1992), les surfaces réservées au pacage ont nettement régressé. Elles sont passées de 31,45 millions à moins de 31,1 millions d’hectares, ce qui représente une perte de l’ordre de 2,5 %. Inversement, durant la même période, la surface des terres improductives occupées par des bâtiments, des chemins, des aires à bâtir, etc., a fortement augmenté. Il en est de même pour la steppe où « la privatisation et le partage des terres (…) provoquent non seulement un morcellement du territoire, mais aussi et surtout une artificialisation (des lieux) qui génère une nette régression des ressources génétiques locales. » (Laouar et al., 1997 : 210).

 

 

Artificialisation des terres agricoles dans différents pays méditerranéens.

Source : Sophia Antipolis, « Les menaces sur les sols dans les pays méditerranéens », in : Les cahiers du Plan Bleu 2, PNUE, 2003, p. 20.

 

Au Maroc, le bilan des terres artificialisées n’est guère différent. L’étalement urbain, sous l’effet des fortes poussées démographiques que connaît le pays depuis les trente dernières années [22] est responsable d’une large part du recul des milieux naturels et des terres agricoles, principalement autour des centres urbains. Ceci est d’autant plus vrai que le taux d’urbanisation ne cesse de progresser à l’échelle de tout le pays. Alors qu’au lendemain de l’indépendance, il n’était que de 29,3 % (1960), aujourd’hui (2011), il a presque doublé et affiche 58,3 %. En 2000, il se tenait autour de 54,2 % après avoir atteint les barres de 41,1 % en 1980 et 48,6 % en 1990. Si l’on se fie aux projections du Haut-Commissariat au plan [23], cette tendance régulière à la hausse va se maintenir à l’avenir et le taux d’urbanisation au Maroc pourrait facilement atteindre 63,7 % en 2025 et 68,5 % en 2050. Cette progression, qui implique de fortes demandes de logements et de services (équipements, réseaux routiers, etc.), a entrainé des développements urbains rapides aux quatre coins du pays et une extension sans précédent du domaine bâti si bien qu’en moins de deux décennies (1982-1999), le nombre des communes et des centres urbains s’est multiplié par six (250 en 1982, 370 en 1994 et 1547 en 1999 [24]). Conjugué à l’efficience de l’application des schémas d’aménagement territorial, ces développements très souvent mal gérés ont eu lieu au détriment des bonnes terres agricoles, des forêts et des parcours.

 

Dans un document qui traite des « externalités environnementales de l‘agriculture au Maroc » à la fin des années 1990, K. Allali estimait la superficie convertie en domaine bâti à 1 000 hectares annuellement. Selon lui, outre « la pression (exercée) sur la ressource-terre, l’urbanisation non contrôlée (a généré également) un déséquilibre entre les différentes occupations de la terre, ce qui (a favorisé) l’amplification de la mise en culture des terres marginales, des forêts et des pâturages naturels. » Pire encore, elle a largement contribué à la régression à la fois du nombre des exploitations agricoles et de l’étendue de la surface agricole utile (SAU) à l’échelle de l’ensemble du territoire marocain. Les données du Recensement général de l’agriculture (RGA, 1996) confirment cet état de fait. Le nombre des exploitations agricoles a considérablement chuté en deux décennies. Alors qu’en 1974, on comptait près de 1,9 million d’unités à travers le royaume, en 1996, il n’en restait qu’environ 1,5 million, soit une perte de l’ordre de 26 % en 22 ans. Il en est de même pour la surface agricole utile. « Depuis les années 1960, le nombre d’hectares de cette surface utile par habitant a connu, lui aussi, une tendance régressive accélérée. (…) (Il est passé) de 0,732 ha/habitant en 1960 à environ 0,300 ha/habitant en 1999 et il ne serait que 0,224 ha/habitant en 2020 (MADREF, 1999) » [25].

 

Enfin, le littoral marocain n’est pas non plus à l’abri de ce phénomène d’artificialisation des sols. Comme partout ailleurs autour de la Méditerranée, dans le royaume chérifien, il tend, lui aussi, à devenir un espace densément envahi et occupé par l’urbanisation et l’implantation des activités industrielles, portuaires, halieutiques et de loisirs. Souvent excessive, cette occupation aboutit à la dégradation du milieu physique et hypothèque toute possibilité de gestion efficace de l’espace côtier et marin dans l’avenir (Laouina, 2006 : 189). En effet, ses deux façades maritimes, méditerranéenne (512 km) et atlantique (2 934 km), subissent une forte pression en terme d’urbanisation dont le taux frôle de nos jours la barre des 54 %, selon les sources. En effet, sous la poussée démographique (93 hab./km2 le long du littoral méditerranéen et 162 hab./km2 sur les côtes atlantiques [26], entre Kénitra et le Grand Casablanca), ces deux façades sont soumises à un développement urbain intensif. Les projets de construction immobilière et touristique se multiplient à un rythme effréné et échappe très souvent au contrôle des instances responsables de l’aménagement du territoire et la planification urbaine. Pris en effet dans une logique d’encouragement des investissements, ces dernières se retrouvent souvent dans l’incapacité d’imposer aux promoteurs de ces projets le respect de la dimension environnementale. Cette multiplication quasi anarchique – et à l’abri de toute contrainte – de projets de développement a modifié considérablement le littoral qui présente désormais une occupation linéaire s’étendant sur des kilomètres de côtes. Faisant également  fi des dispositions d’une loi « littoral », qui fixe pourtant une bande non aedificandi d’environ 100 mètres de largeur le long des rivages, la plupart d’entre eux est souvent implantée à ras le linéaire provoquant non seulement le recul à court terme du trait de côte, mais la destruction aussi des dunes dont les sables sont souvent illégalement exploités et utilisés comme matériaux de construction (Mansour, 2003).

 

5 – Sur le continent africain :

 

Plus bas, en plein Afrique, l’artificialisation d’origine humaine des terres agricoles et des milieux naturels est aussi très inquiétante. Dans ce continent, donné pour être le plus pauvre de la planète, les terres, qui s’étendent sur près de 30 millions de km2 [27] et dont 8,7 millions recèlent un potentiel agricole pouvant nourrir convenablement la majorité des Africains (FAO, 2002 ; Geo-4, 2007 : 204), sont soumises à de fortes pressions et font face à de multiples menaces. Outre celles engendrées par les diverses catastrophes naturelles, les changements climatiques, la désertification, la sécheresse, la salinisation, l’érosion et les inondations, les pressions induites par l'augmentation de la demande en ressources et l’urbanisation, conséquences d'une démographie sans cesse croissante, sont tout aussi pesantes. Elles sont responsables non seulement de la dégradation des sols, mais du recul également des terres arables. Ces deux processus, conjugués à un essor soutenu de la population, furent telle qu’entre 2000 et 2004, la production agricole par habitant ait baissé de 0,4 % (Geo-4, 2007 : 206), augmentant ainsi les risques d’insécurité alimentaire dans de nombreuses régions du continent. Il en est de même pour les activités liées à l’agriculture, l’industrie et l’exploitation forestière. Celles-ci, quand elles sont mal planifiées et gérées, accentuent davantage ces deux processus, très souvent irréversibles.

 

Bien que l’Afrique soit de loin la région la moins urbanisée du monde, avec une croissance de l’ordre de 3,3 % entre 2000 et 2005, elle enregistre néanmoins le taux d’urbanisation le plus élevé avec une population urbaine qui double d’effectifs à tous les 20 ans. En 2005, celle-ci était d’ailleurs estimée à 347 millions, soit environ 38 % de la population totale du continent (Geo-4, 2007 : 207). Cette croissance très accélérée de la population en milieu urbain est à l’origine de très fortes poussées d’urbanisation qui n’épargnent aucune ville africaine et se  traduisent concrètement par deux phénomènes urbains tout aussi inquiétants l’un comme l’autre en matière d’artificialisation des sols et en terme de perte des terres productives.

 

- Un développement sans précédent d’importantes infrastructures urbaines (réseaux routiers, aménagements touristiques, complexes industriels et agro-alimentaires, installations portuaires et aéroportuaires, etc.) dont l’implantation consomme généralement de vastes espaces et empiète largement sur les milieux ruraux et les terres agricoles les plus fertiles. En raison de ces infrastructures, la surface des terres productives estimée par habitant a subi une nette régression à l’échelle de tout le continent. « En Afrique Centrale et en Afrique de l'Est, elle varie entre 0,69 hectare en République Démocratique du Congo, 0,75 au Burundi, 0,85 en Éthiopie, 0,88 en Ouganda, 0,89 au Cameroun, 0,90 au Rwanda, 1,12 en République Centrafricaine, 1,15 au Congo et 2,06 hectares au Gabon. » (Geo-4, 2007 : 208).

 

Régression des terres cultivables par habitant en Afrique subsaharienne

Source : Portrait des données GEO, UNPD 2007, FAOSTAT 2006 (Geo-4, 2007, p. 208).

 

- Un développement urbain très élevé qui se manifeste à travers des installations résidentielles, industrielles, commerciales, agricoles, éducatives et militaires concentrées essentiellement le long des zones côtières. En raison de leur étalement, ces installations grignotent énormément de territoire côtier et provoque sa dégradation. D’ailleurs, il est à remarquer que les plus grandes villes d’Afrique sont très souvent côtières : Abidjan, Accra, Alexandrie, Alger, Le Cap, Casablanca, Dakar, Dar es-Salaam, Djibouti, Durban, Freetown, Lagos, Libreville, Lomé, Luanda, Maputo, Mombasa, Port Louis et Tunis.

 

Ces fortes poussées d’urbanisation, souvent tous azimuts, s’accompagnent également d’un troisième phénomène non moins problématique, lui aussi : la prolifération des bidonvilles un peu partout à l’échelle du continent et, plus particulièrement, en Afrique subsaharienne où 72 % de la population urbaine y vivent. Les impacts induits par l’établissement de ces zones d’habitat informel dans les périphéries immédiates des centres urbains sont non seulement nombreux, mais lourds de conséquences aussi en matière d’artificialisation des milieux naturels environnants et de dégradation de leurs écosystèmes. Les extensions urbaines, elles-mêmes, des villes africaines, qui a tendance à repousser continuellement ces bidonvilles le plus loin possible à l’extérieur de leurs frontières respectives, amplifient l’étendue du problème et finissent par grignoter une bonne partie des terres agricoles autour.

 

Au Burkina Faso, pour ne citer ici qu’un seul pays de la région, les espaces artificialisés représentaient environ 0,25 % de la superficie totale du pays en 2002. En deux décennies (1992-2002) seulement, ils sont passés de 64 765 hectares à plus de 67 671, soit un accroissement de l’ordre de 4,5 % [28]. Cet accroissement, qui est sensiblement le même à l’échelle de toute l’Afrique, présente certains caractéristiques qui impliquent directement le facteur démographique et l’urbanisation. Les données compilées dans le cadre du projet BDOT [29] confirment bien ce constat. Dans la plupart des pays africains, l’artificialisation des sols, dont presque la moitié est induite par des extensions des espaces résidentiels ou industriels au détriment de l’agriculture et des espaces naturels, se concentre essentiellement en périphérie des grands centres urbains et le long des littoraux dans le cas des pays qui disposent de façades maritimes. Une bonne partie de ces sols artificialisés est également causée par la mise en application de politiques de valorisation du secteur agricole, comme dans la Vallée du fleuve Sénégal, « avec la construction d’infrastructures hydrauliques, la réalisation de grands périmètres hydro-agricoles et la vulgarisation de techniques de production modernes… » (Bélières et al., 2002 : 12).

 

6 – En Asie et dans le Pacifique :

 

En Asie et dans le Pacifique, plusieurs facteurs causent l’artificialisation des sols et mettent en péril l’intégrité des milieux naturels et leurs écosystèmes. Outre les catastrophes naturelles, tels que les tsunamis, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les inondations, l’érosion, les tornades, les tempêtes tropicales, les avalanches et la sécheresse,... qui entrainent inévitablement une dégradation des terres (environ 13 %, soit plus de 850 millions d’hectares des terres du continent dont 104 millions dans la sous-région du Pacifique) [30], au moins quatre autres facteurs d’origine humaine y sont directement impliqués. Depuis les vingt-cinq dernières années, la croissance fulgurante de la population, ainsi que l’urbanisation et le développement économique rapide qui lui sont associés, sont largement mis en cause. Il en est de même pour les modes d’utilisation des sols, en particulier par l’agriculture extensive et intensive. Tout comme les catastrophes, ces facteurs sont à l’origine d’une détérioration significative de l’environnement et occasionnent d’énormes pertes en matière de capital naturel à l’échelle du continent en entier.

 

Dans ce sous-système géographique, qui compte 43 pays et s’étend sur environ 23 % de la surface émergée du globe, la population a considérablement augmenté. De 1987 à 2005, elle est passée de 3 milliards à presque 4 milliards d’habitants, soit presque 60 % de la population mondiale. Cette croissance démographique est à la source à la fois d’un  développement économique accéléré et d’une urbanisation sans cesse galopante, elle aussi. Même si cette dernière est contrastée d’un pays à l’autre (s’échelonnant de 100 % à Singapour à seulement 20,9 % au Cambodge), il n’en demeure pas moins que, dans l’ensemble, son taux frôlerait la barre des 47 % (58 % à l’échelle mondiale) d’ici 2020. En 2007, il se situait aux alentours de 41 %, soit une augmentation de l’ordre de 6 % en moins de 15 ans [31]. Cette augmentation, qui est marquée par un accroissement de la population urbaine estimé à presque 1,9 milliards d’habitants [32] en un siècle (entre 1920 et 2020), a essentiellement lieu dans les grandes mégapoles (l’Asie en compte 11). Le volume supplémentaire annuel de cette population urbaine est absorbé en grande partie par la zone asiatique de ce sous-système. C’est dans cette zone d’ailleurs que presque 1 milliard de citadins supplémentaires est attendu d’ici 2020, dont 500 millions uniquement en Chine et en Inde. C’est dans cette zone également que l’on retrouve 21 des 44 agglomérations urbaines de plus de 5 millions d’habitants, selon un estimé des Nations unies.

 

Ces agglomérations se caractérisent par une expansion très rapide. Elles se développent souvent sur des terres agricoles de qualité. En effet, dans ces villes, qui connaissent une urbanisation accélérée, la construction d'habitations et d'infrastructures empiète sur des terres jusque dans les zones rurales les plus reculées et génère d’importants conflits en matière d’utilisation des sols. Ainsi, il n’est pas rare que les espaces dont ont besoin l’industrie, les transports et les diverses structures de loisirs liés à cette urbanisation soient soumis à de fortes pressions qui viennent à en changer l’affectation. En Chine, à titre d’exemple, l’urbanisation prélève chaque année des étendues de terres d’environ 5 millions d’hectares (Geo-3, 2002 : 66), soit une superficie dix fois plus vaste que celle grignotée annuellement aux États-Unis. Même dans les pays les plus « pauvres » de la région, comme le Cambodge, le Timor oriental et le Laos, qui ont pris pourtant du retard en matière d’urbanisation n’échappent pas à cette tendance. Enregistrant aujourd’hui les taux de croissance urbaine les plus élevés (4,6 à 5,6 % par an), ils connaissent des développements urbains inattendus et commencent à enregistrer, eux aussi, d’énormes pertes de terres jusque-là cultivables. Il en est de même pour le Japon où les modes d’utilisation des sols liés en partie à l’urbanisation ont connu de profonds changements durant les 30 dernières années. De 1970 à 1999, la surface des terres cultivées est passée de 5,8 millions d’hectares à 4,9 millions pour faire place au développement résidentiel (Geo-3, 2002 : 75).

 

Outre les terres agricoles, l’urbanisation n’épargne pas non plus les domaines forestiers. Ces derniers subissent non seulement de fortes pressions exercées par l’expansion urbaine des villes, mais aussi des changements majeurs engendrés par de multiples conversions en vue d’autres utilisations du sol. À l’origine de ces changements, des facteurs liés au développement économique rapide, tels que les variations de densité de population humaine, les déplacements, l’exploitation des ressources naturelles, les taux de croissance, le développement des industries et des infrastructures (barrages, réseaux routiers, etc.) et l’empiètement des villes sur les zones rurales, jouent un rôle important. Ils exercent des pressions qui se traduisent au niveau de demandes sans cesse croissantes en matière non seulement de biens de consommation, comme le bois de construction et de chauffage, mais d’espaces et de services également, tels que les ressources en eau et les loisirs.  Ainsi, en raison de ces multiples pressions, la région tout entière, qui abritait en somme près de 734 millions d’hectares de forêts en 1990 et environ 726,3 millions en 2000, est en train d’assister à la destruction accélérée de cette importante ressource naturelle, avec une baisse globale de l’ordre de 7,7 % en une seule décennie [33]. Alors que, dans la sous-région du Pacifique du Nord-Ouest et de l'Asie de l'Est, la superficie des forêts a connu une augmentation de 1,85 million d'hectares par année, grâce notamment aux activités de reboisement entreprises par la Chine, force est de constater que, depuis 1987, les plus importantes dégradations de cette ressource à l’échelle de toute la région ont été enregistrées principalement en Asie du Sud-Est où la perte atteint 1 % annuellement, soit presque 2,3 millions d'hectares [34]. Encore, faut-il préciser ici que ce problème n’est pas récent du tout. Il remonte à la fin des années 1960 puisqu’en Thaïlande, par exemple, entre 1965 et 1977, l’espace forestier a déjà enregistré un recul d’environ 32 %, passant ainsi de 56 à 24 % de la surface totale des terres que compte ce pays (Geo-3, 2002 : 75). L’Indonésie et la Malaisie sont tout aussi touchées par cette énorme régression. Leurs taux de déforestation se trouvent parmi les plus élevés dans le monde. D’après les estimations de l’Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ce sont en effet, de vastes superficies de forêts primaires, totalisant presque 1,5 million d’hectares, qui disparaissent, chaque année, dans l’ensemble de cette sous-région. À elle seule, l’Indonésie, qui compte le troisième massif forestier tropical du monde, connaît un recul annuel d’environ 500 000 hectares de forêts depuis dix ans. Selon un article, paru dans le quotidien Le Monde et relatant « la guerre de déforestation » qui oppose ces derniers jours l’ONG de défense de l’environnement, Greenpeace, et le géant indonésien des pâtes et papiers, Asia Pulp and Paper (APP), 40 % de la forêt indonésienne, qui s’étend sur 98 millions d’hectares, ont été détruits depuis cinquante ans. De plus, près de 2 millions d’hectares de forêt – primaire ou secondaire – de cet archipel sont convertis chaque année, essentiellement pour les besoins de l’agro-industrie (et plus particulièrement pour la production de l’huile de palme) [35]. À ce rythme, le pays en entier, qui, à l’aube des années 1960, disposait de la deuxième forêt tropicale de la planète, risque de manquer de bois dès le début de la prochaine décennie. Il en est de même pour l’extrémité orientale de la Russie qui vit une situation quasi similaire et où l’on a enregistré, au cours des 15 dernières années, une dégradation de presque 30 000 km2 (Geo-4, 2007 : 85).

 

Cette dégradation des milieux naturels – et la perte des sols qui lui est associée – est particulièrement dramatique le long du littoral où vit plus de la moitié de la population de la région. En raison de la forte croissance économique qui se traduit par une participation de plus en plus accrue du continent asiatique à la fois à la production mondiale et aux échanges commerciaux [36] à l’échelle planétaire, la région tout entière est amenée à développer ses atouts en créant de nouveaux pôles économiques structurés chacun autour d’un vaste réseau de villes. Avec ces pôles, constitués le long des côtes pour bénéficier pleinement de façades maritimes propices au développement d’une économie extravertie, on assiste à une véritable « littoralisation » des activités qui n’est pas sans conséquences sur les milieux naturels, les écosystèmes côtiers et les terres agricoles environnantes. Elle se traduit concrètement par la multiplication de gigantesques concentrations urbaines et d’immenses métropoles consommatrices de vastes étendues de terres : de grandes cités-ports, comme Singapour, Hong Kong et Taïwan, d’énormes carrefours industrialo-portuaires, comme au Japon, en Corée du Sud et en Chine, de nouveaux pôles mondiaux consacrés aux nouvelles technologies, au tourisme de luxe, aux affaires et au commerce, comme à Dubaï et dans les autres Émirats du Golfe arabo-persique,... Ce nouveau contexte, marqué par un dynamisme économique qui donne le vertige, fait en sorte qu’à l’échelle de cet important sous-système géographique, la longueur des côtes, qui représente les deux tiers du total mondial, soit soumise à de très fortes pressions se soldant ainsi par une artificialisation sans précédent des sols, une dégradation problématique des terres et une mise en danger de l’interaction et de l’équilibre qui existent entre ces dernières et l’océan. Même les forêts de mangrove, caractéristique par excellence des littoraux marins tropicaux, n’échappent pas à ce destin. Représentant environ 50 % des forêts mondiales de mangrove, elles font face, elles aussi, à la destruction engendrée par la multiplication de grands complexes industriels et le développement des infrastructures qui leurs sont liées.

 

Sur le continent asiatique, on assiste à une véritable « littoralisation » des activités qui n’est pas sans conséquences sur les milieux naturels, les écosystèmes côtiers et les terres agricoles environnantes.

Source : World urbanization prospects - The 1994 revision, ONU, 1995

 

Enfin, il faut préciser qu’en dépit des nombreuses lois, règlements et normes dont s’est dotée la plupart des pays de cette région en matière de protection de l’environnement et des terres agricoles, la situation demeure très inquiétante. L’artificialisation des sols reste également un phénomène en pleine progression. Par ailleurs, l’absence d’une réelle volonté d’intégration des politiques environnementales, économiques et urbaines environnementales ne milite pas en faveur de la mise en place d’un système efficace de gestion de l’espace. Ces carences rendent vaine la plupart des efforts destinés à alléger les pressions qui pèsent lourdement sur la qualité de l’environnement, la santé des écosystèmes et la préservation des terres cultivables et des milieux naturels…

 

Quelles solutions à ce phénomène ?

 

Au terme de cette revue mondiale de l’étendue du phénomène de l’artificialisation d’origine humaine des sols, une question se pose : y a-t-il des solutions qui permettent d’enrayer, sinon d’atténuer tout au moins, cet effet néfaste de l’urbanisation galopante qui marque de plus en plus notre planète ? Les solutions à cette problématique sont nombreuses.

 

D’abord, au niveau institutionnel, une première réponse passe inévitablement par une « bonne gouvernance » de l’ensemble du processus d’aménagement et de développement du territoire. Celle-ci devrait se traduire concrètement par la mise en place d’institutions et de mécanismes hiérarchisés de gestion de l’espace qui seraient en mesure d’assurer non seulement une meilleure planification urbaine, mais un contrôle rigoureux aussi de la consommation des sols et un suivi efficace des différentes interventions urbaines (aménagement et développement de villes, des réseaux de transport, de l’industrie, du tourisme, etc.). Elle devrait permettre également « la participation, comme le précisait le Plan Bleu 2 du PNUE, de tous les acteurs concernés, comme les représentants des intérêts privés (chambres de commerce et de l’industrie, chambres des industries du tourisme, syndicats agricoles, etc.), les autres administrations et services publics (énergie, transports, agriculture, environnement etc.), ainsi que les associations représentatives (notamment, les associations de protection de l’environnement et du cadre de vie). » (Plan bleu 2, 2003 : 22-23). De ce point de vue, des systèmes hiérarchiques, qui organisent par échelle (nationale, régionale, locale, urbaine, etc.) les politiques de gestion et d’aménagement de l’espace, devrait être fortement privilégié. Fonctionnant au moyen de plans établis à chacune de ces échelles (des schémas nationaux et régionaux aux schémas de cohérence territoriale et aux plans locaux d’urbanisme), ces systèmes ont l’avantage d’être capables d’assurer non seulement une intégration institutionnelle suffisante entre les différents niveaux de décision et d’intervention concernés par l’aménagement du territoire, mais une application efficiente aussi des plans prévus surtout quand les moyens : fonciers (acquisition), réglementaires (droit de préemption, d’expropriation, etc.), et économiques (taxes, subventions, etc.), sont largement disponibles.

 

Ensuite, d’un point de vue législatif, les mécanismes dont il est question ici devraient également s’attaquer de front au problème de l‘étalement urbain avec la mise en place de dispositifs permettant de réguler l’expansion des villes et l’adoption de législations destinées à maîtriser les territoires urbanisés et protéger, dans le même temps, les espaces naturels et agricoles. Les exemples des États ayant fait l’expérience d’une telle démarche ne manquent pas. Sur le continent nord-américain, même si certaines régions n’ont jamais promulgué de lois protégeant de tels espaces, comme la Géorgie, nombreuses ont en revanche adopté des législations plus ou moins contraignantes dans ce domaine. L’exemple de la Floride est particulièrement édifiant. Grâce à de ses comprehensive plans, cet État, comme le précisait Jacques Chevalier, est parvenu à « intégrer les dimensions agricoles des territoires des agglomérations et encourager, à travers la greenbelt law (adoptée dès 1959), la préservation d’espaces agricoles et naturels en appliquant à ces derniers des taxes foncières préférentielles. » [37] Il en est de même pour le Maryland (USA) et la Colombie-Britannique (Canada). Dans le premier cas, plusieurs dispositifs sont mis en place « pour conserver une forte identité rurale et naturelle à de larges parties du territoire, y compris dans des comtés (…) situés à la périphérie de l’aire de développement de la capitale fédérale Washington. » [38] Dans le second, des législations, sans doute parmi les plus efficaces au monde, furent établies en matière de préservation des terres agricoles les plus fertiles et les plus productives de la région, notamment autour des grandes agglomérations comme Vancouver et Abbostford sur les vallées fluviales du sud.

 

De façon plus concrète, ces législations devraient sérieusement remettre en question le mode de développement instauré dans nos villes depuis de nombreuses décennies et considérer l’étalement urbain non comme un modèle d’urbanisation à encourager, mais plutôt comme le produit d’une consommation non organisée du territoire qu’il faudrait abandonner au profit de modèles beaucoup plus denses. Car, tout en répondant aux besoins de la croissance urbaine, la densification demeure l’unique moyen qui permet de réduire l’artificialisation des sols et d’atténuer la régression des surfaces agricoles et naturelles. La notion de densité dont il est question ici ne devrait plus être assimilée aux grands ensembles et à l’image négative qu’ils projettent en raison de la promiscuité et ses multiples désagréments (bruits, incivilité, absence d’intimité, etc.). Aujourd’hui, grâce à l’évolution des pratiques architecturales et urbaines, et aux transformations des modes de vie et d’habitat, elle offre désormais de nouvelles alternatives en matière de renouvellement de la ville et du « vivre ensemble » (respect de l’intimité de chacun dans son logement et ses espaces extérieurs, agencement des espaces communs et publics, proposition de cheminements piétons et diminution de la dépendance à l’égard de l’automobile, mise en place de la mixité des usages, etc.).

 

Cette nécessité de changement en matière de consommation de l’espace constitue un enjeu majeur de l’aménagement durable du territoire. Elle exige, dans la pratique, la mise en place d’instruments opérationnels très efficaces qui visent en premier lieu la maîtrise de l’occupation des sols. Celle-ci est d’autant plus urgente que l’artificialisation résultant de la croissance continue des villes et l’expansion de leurs infrastructures est non seulement en pleine progression partout dans le monde, mais est aussi responsable d’une perte irréversible des ressources naturelles et agricoles.

 

Toutefois, quand ce phénomène d’artificialisation et le recouvrement des sols qui lui est associé deviennent vraiment incontournables, le recours à des solutions techniques et conceptuelles innovatrices qui permettent de moins consommer l’espace, telles que les constructions en hauteur, et l’usage de matériaux qui assurent la perméabilité des sols, comme les revêtements et les asphaltes poreux, devrait être largement privilégié.

 

Enfin, en guise d’ultimes recours, faudrait-il songer à instaurer des systèmes de compensation ou de taxation pour réduire la surface des terres artificialisées.  Dans le premier cas, il s’agirait « de rendre à la nature, comme le proposait un article de Science & Vie [39], d’autres sols artificialisés en dépolluant par exemple les friches industrielles ». Dans le second cas, il serait question d’imposer une taxe au mètre carré soustrait à la nature, un peu à l’image de ce qui se fait pour les émissions de CO2. De nombreuses régions, particulièrement en Occident, ont déjà mis en application de tels systèmes. En Allemagne, les habitants de la ville de Dresde, capitale de la Saxe, sont appelés ainsi à débourser une somme de 20 euros pour chaque mètre carré artificialisé. Les fonds sont alloués à défrayer les coûts des travaux de perméabilisation des sols artificialisés. Dans ce pays, d’autres municipalités auraient même testé avec succès une bourse du sol. Au Canada, dans plusieurs provinces, comme en Ontario, un système de taxation similaire est imposé à la population qui désire s’établir loin des périmètres urbanisés. Les promoteurs qui cherchent à développer des projets immobiliers éloignés des centres-villes doivent payer aux collectivités une taxe établie selon le principe du « pollueur-payeur ».

 

Cela dit, peu importe les solutions adoptées pour enrayer ce phénomène dont les conséquences sont lourdes, un fait est indéniable : l’évolution démographique et les transformations des modes de vie se traduisent par une augmentation de la pression foncière sur les territoires ruraux. L’espace non urbanisé, qu’il soit naturel ou à vocation agricole, recule ainsi de façon inexorable. Il est continuellement grignoté par le développement des villes et cisaillé par l’implantation de nouvelles infrastructures. Un tel contexte exige donc des mesures non seulement de protection durable, mais de gestion économe aussi du foncier afin de trouver un juste équilibre entre le maintien de l’agriculture et les besoins de développement urbain.

 

Quelques références bibliographiques

 

- Meriem Laouar, Aïssa Abdelguerfi, « Privatisation et partage du foncier : une des causes de la dégradation des milieux naturels en Algérie », in : A. Bourbouze, B. Msika SIKA, N. Nasr, M. Sghaier-Zaafouri (dir.), Pastoralisme et foncier : impact du régime foncier sur la gestion de l’espace pastoral et la conduite des troupeaux en régions arides et semi-arides, (Actes du séminaire international du réseau Parcours, Gabès, Tunisie, 17-19 octobre 1996), Options Méditerranéennes, Série A, № 32, Montpellier : CIHEAM/IRA, 1997, pp. 209-212.

 

- Philipe Pointereau, Frédéric Coulon, « Abandon et artificialisation des terres agricoles », in : Courrier de l’environnement de l’INRA, № 57, juillet 2009, pp. 109-120.

 

- Mohammed Elloumi, « Agriculture périurbaine et nouvelles fonctions du foncier rural en Tunisie », in : Options Méditerranéennes, Série B, 66 : Régulation foncière et protection des terres agricoles en Méditerranée, Montpellier : CIHEAM/IRA, 2011, pp. 159-169.

 

- Jean-François Bélières, Pierre-Marie Bosc, Guy Faure, Stéphane Fournier, Bruno Losch, Quel avenir pour les agricultures familiales d’Afrique de l’Ouest dans un contexte libéralisé ?, Londres : International Institute for Environment and Development (IIED), Dossier № 113, octobre 2002, 39 p.

 

- Guillaume Benoit, Aline Comeau (dir.), Méditerranée. Les perspectives du Plan Bleu sur l'environnement et le développement (Parie 2 : Le littoral, pp. 299-350), Paris : Éditions de l'Aube, 2005, 432 p.

 

- Majid Mansour, « Environnements littoraux et aménagement durable: Apport de l’information spatiale », in : The 2nd FIG Regional Conference - Urban-Rural Interrelationship for Sustainable Environment, Technical Session № 7 : Coastal Zone Managment, Marrakech, Maroc, 2-5 décembre 2003.

 

- PNUE, L’avenir de l’environnement mondial 3. Geo-3, Paris : De Boeck Université, 2002.

 

Notes

 

[1] Dans le présent article, les espaces agricoles renvoient aux terres cultivées et aux pâtures  alors que les espaces naturels font référence aux forêts, aux parcs et aux habitats naturels. Plus précisément, ces deux types de milieux correspondent aux espaces vierges (c’est-à-dire non bâtis) et aux sols non artificialisés.

[2] Le phénomène d' « artificialisation » des sols est généralement défini comme étant une altération d'origine humaine d'un milieu naturel. Il est lié à l’expansion territoriale de sols dits « artificialisés » (zones urbanisées, zones industrielles ou commerciales, réseaux de communication, mines, décharges publiques, chantiers, etc.) au détriment des sols naturels ou cultivés, et entraine leur disparition irréversible. Il renvoie ainsi au concept de « naturalité » qui, lui, fait référence, d’un point de vue philosophique, au caractère de ce qui est à l'état de nature, c’est-à-dire de ce qui n'a pas été conçu ou manipulé par la main de l'homme. Il désigne, en d’autres termes, l’état initial d’un espace avant toute intervention humaine ; on parle alors de « naturalité anthropique ». D’un point de vue environnemental, il renvoie au caractère plutôt sauvage (et non humanisé) d'un paysage ou d'un milieu naturel. En vertu de ces deux acceptions, l’artificialisation d’un milieu résulterait donc de gestes posés exclusivement par l’homme, gestes qui viennent non seulement porter atteinte à l’intégrité d’un espace, mais modifier aussi de façon substantielle son état originel considéré en soi comme l’état de référence par excellence. Si cette définition, comme le fait remarquer Simon Popy de l’Observatoire régional de la biodiversité, Languedoc-Roussillon (France), « s’applique (aisément) à des zones géographiques où la présence humaine sédentaire est relativement récente, comme le Canada », elle demeure néanmoins difficilement envisageable dans d’autres régions, notamment autour du bassin méditerranéen, « où les paysages ont été façonnés par l’homme, depuis plusieurs millénaires, et où la biodiversité est en partie liée à cette occupation (très ancienne) ». Dans ce cas, le concept de « naturalité », tel qu’il a été défini, perd entièrement son sens : il ne renvoie plus à un état initial de référence existant avant l’intervention humaine, c’est-à-dire associé à la fois à l’ancienneté des écosystèmes et à l’absence de signes perturbateurs due à l’homme (Ratcliffe, 1977 ; Peterken, 1997 et Schnitzler, 1997), mais plutôt à un état souhaitable (« désiré ») caractérisé par des écosystèmes dont l’équilibre est moins menacé par les gestes de l’homme (ou mieux préservé de ses actions néfastes). Dans un tel contexte, l'artificialisation d’un milieu naturel se mesure par rapport au degré de perturbation de cet équilibre. Elle résulterait, par conséquent, d’une intervention humaine excessive qui ne respecte pas l’ordre des choses… Cela dit, il convient de préciser ici deux points importants évoqués dans cette définition. D’abord, l’« état originel » d’un milieu n'a probablement jamais existé puisque les écosystèmes, le climat, la biodiversité et les paysages (biotope et biocénose) ont constamment évolué depuis les premières manifestations humaines. Ensuite, la notion d'« absence totale d'interventions » de l’homme est une illusion dans la mesure où sa présence sur terre et sa survie, à elles seules, exercent déjà un certain impact sur la planète tout entière. Ainsi, deux cas de figure sont possibles : 1.) soit on considère que toute action, quels qu’en soient sa nature et son degré, de l'homme sur le milieu est susceptible de réduire son degré de naturalité, ce qui inciterait à limiter considérablement ses interventions particulièrement dans les zones fragiles ; 2.) soit on pense que les actions de l'homme sur son milieu environnant peuvent être réversibles, ce qui exigerait des mesures concrètes de restauration de certains milieux. Pour plus de nuances sur ces concepts, lire : Jacques Lecomte, « Réflexion sur la naturalité », in : Courrier de l’environnement de l’INRA, № 37, 1999, pp. 5-10 et Daniel Vallauri, « A propos du mot naturalité », in : Naturalité, № 2, mai 2007, p. 2 (dont une copie peut être téléchargée à partir de l’url suivant : www.forets-sauvages.fr/web/foretsauvages/105-naturalite-la-lettre-archives.php). On peut aussi consulter : Jacques Lecomte, Annette Millet, La Nature, singulière ou plurielle ? Connaître pour protéger, Les dossiers de l’environnement de l’INRA, № 29, Paris : Quae, 2006, 62 p. (quelques extraits de ce document sont disponibles en ligne à l’adresse suivante : http://books.google.com/books?id=kS8v10dV7EIC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false).

[3] Ces données proviennent de : http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9riurbanisation.

[4] P. L., « Urbanisation. Elle grignote trop de terrain », in : Science & Vie, № 1124, Août 2011, [p. 30], pp. 30-31.

[5] Le concept d’« éco-potentialité », qui associe le substantif « potentialité » au préfixe « éco », en tant qu'abréviation de l'adjectif « écologique », renvoie à la capacité d’un milieu de préserver en son sein une biodiversité. Selon une définition fournie par Wikipédia, il comporte une double dimension (qualitative et quantitative) et caractérise à la fois : « le degré potentiel ou probable de biodiversité d’un territoire ; le potentiel d'expression de cette biodiversité (présente ou potentiellement présente ou qui serait théoriquement présente si des facteurs l'affectant négativement étaient supprimés ou réduits) ; et la valeur de ce territoire au regard (aussi bien) de l'écologie d’un paysage (que de son) intérêt écologique ». Pour plus de détails, lire : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89copotentialit%C3%A9.

[6] Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Artificialisation.

[7] Ces données statistiques sont disponibles sur : http://www.projetdeterritoire.com/index.php/Espaces-thematiques/Gestion-de-l-espace-Urbanisme/Actualites/Artificialisation-des-sols-la-France-n-est-pas-epargnee.

[8] Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Artificialisation.

[9] Ces chiffres sont cités dans : http://www.actu-environnement.com/ae/news/artificialisation-sols-2009-10757.php4. Les résultats de l’étude d’où ils proviennent ont été publiés dans : Agreste Primeur (№ 246, juillet 2010, 4 p.), sous le titre de « L’utilisation du territoire entre 2006 et 2009 ».

[10] C’est du moins ce que révèle la fiche-Indicateur de l'Observatoire du littoral : Occupation du sol en 2006 et artificialisation depuis 2000 en fonction de la distance à la mer, avril 2009, 6 p.

[11] Agence européenne pour l’environnement, Dégradation du sol et développement durable en Europe : ayons les pieds sur terre. Un défi pour le XXIe siècle, Série sur les problèmes environnementaux, № 16, AEE, Copenhague, 2002, 32 p. [p. 11].

[12] Jean-Christophe Dissart, « Protection des espaces agricoles et naturels : une analyse des outils américains et français », in : Économie rurale [en ligne], 291,  Janvier-février 2006, mis en ligne le 05 janvier 2008, Consulté le 02 septembre 2011. URL : http://economierurale.revues.org/index578.html.

[13] Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), GEO4 : l’environnement pour le développement, Randers (Danemark) : Phoenix Design Aid, 2007, p. 258.

[14] Ces chiffres ont été avancés par Christian Lacasse, président l’Union des producteurs agricoles lors d’une entrevue accordée au quotidien montréalais 24H. Consulter : Mélanie Colleu, «  PMAD : un bon plan… qui pourrait être excellent » (entrevue avec Christian Lacasse, président de l’UPA), in : 24H, 13 octobre 2011, p. 10.

[15] Si l’« étalement urbain » fait généralement référence au phénomène de périurbanisation, c’est-à-dire de développement de zones urbanisées en périphérie des villes, l’ « étalement exurbain », lui, se définit plutôt comme le développement, par petits groupes, de vastes lotissements d’habitat à très faible densité au-delà de la frange urbaine (Heimlich et Anderson, 2001 ; Geo-4, 2007 : 257). Vu du ciel, il offre l’aspect  d’une multitude de tâches bâties très éparses séparées par des zones naturelles et relativement éloignées des zones urbaines proprement dites.

[16] Les 560 millions d’âms qui peuplent l’Amérique Latine et les Caraïbes représentent 8 % de la population mondiale dont plus de la moitié est répartie entre deux États : le Brésil et le Mexique. En moins de deux décennies (1987- 2005), cette région a vu sa population augmenter de près de 34 %. Si, dans certains pays de ce sous-ensemble géographique, particulièrement en Amérique Centrale, les taux annuels de croissance démographique ont chuté de 1,93 à 1,42 %, dans l’ensemble, il demeure néanmoins supérieur à 2 % (Geo-4, 2007 : 239).

[17] Faut-il rappeler ici qu’en 30 ans (1970-2000), la population des pays situés autour du bassin méditerranéen est passée de 285 à 427 millions. Selon les projections, elle pourrait frôler la barre des 524 millions vers 2025 (Plan Bleu, 2001 : 121 ; Plan Bleu 2, 2003 : 17). La première conséquence de cette  croissance démographique continue est la construction ainsi que l’« artificialisation » des sols qu’elle génère sur une partie de plus en plus croissante, elle aussi, de l’espace littoral (Benoit et Comeau, 2005 : 310).

[18] Sous la poussée d’une telle croissance démographique, ces pays – particulièrement ceux qui sont situés au sud et à l’est du bassin –  connaissent une urbanisation sans précédent. Le caractère linéaire et la vitesse de ce phénomène sont significatifs. Se concentrant essentiellement le long des côtes où sont localisées les plus grandes agglomérations, cette urbanisation se traduit par un important développement d’activités consommatrices d’espace, comme les industries, les installations touristiques et portuaires, les infrastructures de transport, etc.

[19] Ces données proviennent de : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/pays/LBN/fr.html.

[20] Voir : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/pays/ISR/fr.html.

[21] Consulter : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/pays/SYR/fr.html.

[22] Faut-il rappeler ici que, selon le Haut-Commissariat au plan, la population marocaine est estimée aujourd’hui à 32,2 millions dont 18,8 millions vivent en milieu urbain et 13,4 millions en milieu rural. En 2025, elle frôlera la barre des 37 millions (66,7 % dans villes et 36,7 % dans les campagnes). En 2001, le pays comptait 28,8 millions d’habitants dont 54,5 % (15,7 millions) vivent en milieu urbain et 45,5 % (13,1 millions) en milieu rural (voir : http://www.hcp.ma/Population-du-Maroc-par-annee-civile-en-milliers-et-au-milieu-de-l-annee-par-milieu-de-residence-1960-2050_a677.html). Si l’on se fie à ces projections, durant les 14 prochaines années, le Maroc va connaître une croissance démographique d’environ 14,9 %. À l’horizon 2050, sa population urbaine atteindra 28,3 millions d’habitants, soit presque l’équivalent de sa population totale recensée en 2001. Par ailleurs, selon les données avancées par K. Allali, du Département d’économie rurale à l’École nationale d’agriculture de Meknès, le « taux moyen de croissance naturelle (au Maroc) se situait autour de 2,3 % par an (1965-2001), donnant lieu à une densité de 40 habitants par km2. » [Khalil Allali, « Revue sur les externalités environnementales de l‘agriculture au Maroc », en ligne à : http://doc.abhatoo.net.ma/doc/IMG/pdf/Environment_MoroccoNA.pdf (28 septembre 2011)].

[23] Consulter : http://www.hcp.ma/Taux-d-urbanisation-en-par-annee-1960-2050_a682.html.

[24] Voir : Khalil Allali, op.cit.

[25] Ibid.

[26] On estime que, depuis le début du siècle, la population urbaine marocaine établie le long du littoral atlantique n’a cessé de croître. Elle représentait 19,4 % en 1936, 29 % en 1960 et 42,8 % en 1982 (Mansour, 2003 : 12). Aujourd’hui, elle doit sans doute dépasser la barre des 55 %.

[27] Les 30 millions de km2 de terres africaines comprennent entre autres dont des forêts et des surfaces boisées (6,4 millions de km2 qui représentent environ 16 % de la couverture forestière mondiale), des zones arides et semi-arides (9 millions de km2 uniquement pour le Sahara), des marécages (près de 1 % de la surface totale du continent), des prairies, des zones d’eau douce (43 % des sols peuvent être des marais), des zones montagneuses, etc. (FAO, 2002 ; Geo-4, 2007 : 204).

[28] Ces chiffres ont été fournis par Janvier Bazoun de l’Institut géographique du Burkina Faso lors d’une à l’occasion de l’« International Workshop on the Use of Space Technology for Sustainable Development » qui s’est tenu à Rabat (Maroc), du 25 au 27 Avril 2007. Le texte de sa présentation est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.oosa.unvienna.org/pdf/sap/2007/morocco/presentations/4-6.pdf.

[29] Financé par le Danemark, le projet BDOT a été commandité par le Programme national de gestion des terroirs (PNGT) et réalisé par IGN-France en partenariat avec l’Institut géographique du Burkina Faso (IGB). Il a permis la réalisation de deux bases de données à partir des images Landsat TM de 1992 et ETM de 2002, sur tout l’ensemble du territoire burkinabé (consulter le document cité dans la note 19).

[30] Cette estimation est avancée par une étude sur l’« Évaluation de la dégradation des sols à l’échelle mondiale », citée dans : PNUE, L’avenir de l’environnement mondial 3. Geo-3, Paris : De Boeck Université, 2002, p. 75 et L. R. Oldeman, “The global extent of soil degradation”, in : D. J. Greenland, T. Szaboles, T. (dirs.), Soil Resilience and Sustainable Land Use. Wallingford, Commonwealth Agricultural Bureau International, 1994.

[31] Si, aujourd’hui, l’Asie (au même titre que l’Afrique d’ailleurs) est considérée comme la région la moins urbanisée de la planète, elle devrait atteindre le point où la part de sa population urbaine dépasserait largement celle de sa population rurale aux alentours de 2023-2030. Avec une croissance annuelle moyenne estimée à 1,5 % à l’échelle mondiale entre 2025 et 2030, elle devrait compter environ 61,8 % de population urbaine d’ici l’an 2050.

[32] À titre de comparaison, sur ce chapitre de l’accroissement de la population urbaine – et pour la même période –, l’Europe n’aura eu à intégrer que 343 millions d’individus, l’Amérique latine 592, l’Afrique 784 et l’Amérique du Nord 313 millions.

[33] Ces chiffres ont été publiés dans : PNUE, GEO: Global Environment Outlook 3 –  le passé, le présent et les perspectives d'avenir, Chapitre II : Les forêts, Asie-Pacifique, sous-section : La dégradation des forêts et la déforestation [http://www.grida.no/publications/other/geo3/?src=/geo/geo3/french/190.htm].

[34] Ibid.

[35] Bruno Philip, « En Indonésie, la guerre de la déforestation oppose Greenpeace et le papetier APP. L’ONG accuse le géant industriel de détruire les dernières forêts naturelles de l’archipel asiatique », in : Le Monde, 18 octobre 2011, p. 12.

[36] Faut-il rappeler ici qu’en dix ans, la part des pays en développement dans la production mondiale est passée de 34 à 40 % et leur participation aux échanges frôle désormais la barre des 27 %. L’Asie du Sud-Est se taille la part du lion dans cette nouvelle répartition. Il en est de même pour  le commerce maritime. Les échanges « transpacifiques », qui sont essentiellement dus à la croissance des exportations de cette région, occupent plus de 40 % des échanges maritimes mondiaux.

[37] Jacques Chevalier, « Les réponses à la problématique de l’étalement urbain en Amérique du Nord », intervention lors d’une rencontre internationale, tenue du 24 au 27 novembre 2005 et organisée par l’université de Sfax (Tunisie), le laboratoire SYFACTE et l’université du Maine (France), sur « Les villes au défi du développement durable. Quelle maîtrise de l’étalement urbain et des ségrégations associées ? ». On peut consulter cet article à : http://eso-gregum.univ-lemans.fr/spip.php?article118#sp1.

[38] Ibid. On peut aussi consulter d’autres interventions qui ont eu lieu sur le même sujet lors de ce colloque dont l’objet était « de caractériser et de comparer, dans une perspective internationale et interdisciplinaire, les processus d’étalement qui accompagnent la croissance urbaine, de mieux cerner leurs impacts sociaux et écologiques, et de confronter les politiques mises en œuvre pour maîtriser ces processus, dans une diversité de contextes géographiques, culturels et sociaux. »

[39] P. L., « Urbanisation. Elle grignote trop de terrain », in : Science & Vie, № 1124, Août 2011, [p. 31], pp. 30-31.

 

Mots-clés : artificialisation, urbanisation, imperméabilisation des sols, milieux naturels, terres agricoles, sols cultivables, écosystèmes, biodiversité, croissance urbaine, croissance démographique, exode rural, villes, littoral, littoralisation, Amérique du Nord, Amérique latine, Caraïbes, Asie, Pacifique, Europe, Maghreb, Afrique,...

 

Pour citer cet article

 

Azzedine G. Mansour, « L’urbanisation et le destin incertain des milieux naturels. De l’information… à la gestion », in : Libres Expressions, 30 octobre 2011 (https://azzedine-gm.blog4ever.com/blog/articles-cat-501249-562959-histoire___geographie.html).

 



02/11/2011
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