Libres Expressions

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Quelle ville pour demain ?

Azzedine G. Mansour – 15 août 2011

 

Confrontées à de fortes croissances démographiques, les villes évoluent en permanence. Elles s’étalent à perte de vue, développent des tentacules dans tous les sens et deviennent multipolaires. On estime qu’aujourd’hui, 80 % de la population occidentale est urbaine. Aux États-Unis, plus de 30 % des Américains vivent dans des métropoles de plus de cinq millions d'habitants. En 2050, pas moins de 68 % de la population mondiale vivra dans les villes et sera responsable de 80 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Par ailleurs, en raison d’une occupation peu contraignante, conjuguée à un accroissement de la population urbaine, le développement des surfaces urbanisées en périphérie des villes prend de l’ampleur et devient l’un « des défis les plus intimidants qui se posent à la qualité de l’environnement » dans le monde et, plus particulièrement, en Amérique du Nord où le phénomène représente moins de 1 % de la surface du Canada (OCDE 2004) et 3,1 % de celle des États-Unis (rapport GEO-4 du PNUE). On constate également que, durant les 50 dernières années, les villes se sont développées en mettant l’accent sur l’expansion économique au détriment de la prospérité sociale et l’équilibre écologique si bien qu’elles se retrouvent aujourd’hui confrontées à une crise multiforme : urbaine, sociale, économique et environnementale tout à la fois.

 

D’une telle situation résultent de nombreux problèmes inter-reliés les uns aux autres et parmi lesquels on peut citer :

 

1 – une dégradation des équipements urbains qui ne parviennent plus à répondre aux besoins des citadins, particulièrement dans les cités soumises à de fortes croissances démographiques ;

2 – une crise financière causée par une mauvaise gestion des ressources, une hausse des dépenses et un manque de financement ;

3 – une crise des quartiers centraux marquée par un accroissement du taux de criminalité, une paupérisation quasi généralisée des ménages et une migration des commerces vers d’autres quartiers, etc. ;

4 – un étalement urbain qui engendre une dilatation des espaces habités conjuguée à la fois à une longueur des déplacements et une lenteur des mobilités.

 

Ces quelques problèmes – la liste peut être encore allongée –, qui constituent les principaux ingrédients d’une réelle « crise urbaine », posent au moins trois défis majeurs auxquels doit faire face la ville de demain. Ils se résument en trois mots-clés : densité, mobilité et durabilité, et exigent des différents acteurs urbains (élus municipaux, architectes, urbanistes, planificateurs, etc.) bien plus que de simples énoncés politiques. Ils réclament des actions concrètes qui non seulement intègrent le développement de l’urbanisation et l’aménagement d’un cadre de vie axé sur l’homme, ses attentes et ses pratiques, mais s’articulent également autour  d’un certain nombre de lignes directrices :  

 

1 – concilier concentration urbaine et qualité de vie en imaginant de nouvelles formes de vie collectives qui suscitent un réel plaisir de vivre ensemble ;

2 – assurer communication, accessibilité et fluidité en recentrant la ville autour de l'homme dont les déplacements pour satisfaire ses besoins fondamentaux (travailler, se loger, se nourrir, se divertir, etc.) doivent occasionner moins de consommation d’énergie [1] ;

3 –  doter le territoire urbain d’une véritable empreinte écologique qui se traduit par une meilleure gestion des ressources, une importante réduction des déchets, la mise en place d’un réseau de transport plus propre et moins énergivore, la construction de bâtiments conformes aux normes HQE (haute qualité environnementale), le développement d'éco-quartiers, etc. ;

4 – maintenir une croissance soutenue et préserver l’environnement.

 

Relever de tels défis revient en fait à anticiper le devenir de nos villes et scruter leurs tendances à l’avenir. Cela incite à repenser leur urbanité, la réinventer en quelque sorte, et imaginer, par conséquent, de nouvelles façons de structurer et d’organiser le territoire urbain : nouveaux modes d’occupation au sol, nouvelles formules d’appropriation et de consommation de l’espace, nouveaux moyens de déplacements, nouvelles formes d’habitat, etc. Cela porte également à réinventer, sans compromettre la cohérence de l’ensemble, de nouvelles formes d’aménagement qui introduisent au cœur de la vie urbaine les plus récentes innovations technologiques, tel que le numérique, la télématique, la domotique, etc. Quelle « image » la ville aura-t-elle demain, aux alentours de l’an 2030, voire 2050 ? Quels modes de transport sera-t-elle en mesure d’offrir pour assurer les déplacements de ses habitants ? Dans quels types d’habitat les hébergera-t-elle ? Quelle place accordera-t-elle en son sein à la nature ?...

 

Le grand parc des berges de Seine : Vallée Rive gauche Hauts de Seine en Ile-de-France

Source : http://www.citechaillot.fr/exposition/expositions_temporaires.php?id=161#exposition

 

Ces interrogations, dont les réponses exigent une démarche participative, sont aujourd’hui au cœur des débats entourant la crise urbaine qui frappe de plein fouet la ville contemporaine. Elles interpellent aussi bien les différents acteurs qui sont appelés à intervenir sur la ville que la population qui doit l’habiter et profiter de ses multiples services… Elles alimentent également de multiples réflexions et permettent, depuis quelques années déjà et un peu partout dans le monde, le lancement de nombreuses initiatives et l’organisation de plusieurs événements qui constituent autant de tribunes ouvertes aux propositions les plus remarquables comme aux élucubrations les plus incongrues. Si quelques-unes de ces propositions se perdent dans les méandres des univers irréel et idéal de la science-fiction et de l’utopie, et ne dépassent guère le domaine du ludique ou du didactique, plusieurs d’entre-elles explorent en revanche de sérieuses pistes d’urbanités nouvelles et suggèrent, par le fait même, des visions à fois très réalistes et très optimistes de la ville d’aujourd’hui et de demain. 

 

Parmi ces initiatives, certaines plus que d’autres retiennent l’attention et méritent d’être passées en revue ici à titre d’exemples.

 

Ville fertile, vers une nature urbaine :

 

On pense en premier lieu à l’exposition « Ville fertile, vers une nature urbaine », présentée jusqu’au 24 juillet dernier à la Cité de l'architecture et du patrimoine, à Paris. Structurée autour d’un thème central où il est question de concilier croissance économique et préservation de l’environnement, elle cherchait à « mettre en valeur cette nouvelle approche de l'urbanisme [qui tente de placer le milieu naturel et vivant au cœur de la réflexion sur la ville] ». Présentée, en outre, comme « un possible modèle urbain de demain », elle invitait le public à « déambuler au cœur d’une urbanité réinventée », organisée en plusieurs volets.

 

Ville fertile, vers une nature urbaine invite à une déambulation à travers une urbanité fantasmée ou réelle.

Source : http://www.lexpress.fr/culture/art/art/architecture/quelle-sera-la-ville-de-demain_978627.html

 

L’un de ces volets, appelé « objet de désir », exposait successivement 16 projets et réalisations récentes ayant tous un point commun : l’introduction de la nature dans l'espace urbain. « De la forêt linéaire autour de Paris, commentait Christelle Granja [2], à la High line de New York, qui propose la reconversion d'un ancien chemin de fer industriel en parc suspendu, ou encore au toit d'une base sous-marine à Saint-Nazaire transformé en jardin public, les 16 (projets) réunissent une réelle diversité » d’aménagements urbains où la végétation occupe une place prépondérante dans la cité. La scénographie proposée visait à créer une « atmosphère […] propice à la rêverie » qui permet au public de faire une « immersion dans un espace urbain fantasmé » : celui d’une ville verte et harmonieuse.

 

Un autre volet, baptisé « La fabrique du paysage », présentait, quant à lui, une autre vision de la nature urbaine et proposait une approche articulée autour de sept thèmes : le ciel, l'eau, la terre, le feu, le temps, l'espace et le milieu vivant. S’appuyant à son tour sur des réalisations concrètes, il était organisé sous la forme de promenades à travers des exemples à la fois historiques (le Parc des Buttes-Chaumont, les quais de la Garonne à Bordeaux, etc.) et récents (le jardin botanique de Bordeaux, le transformateur de Saint-Nicolas-de-Redon, le Jardin sauvage du Palais de Tokyo, etc.). L’objectif recherché était d’inciter le public à jeter un regard renouvelé sur l'environnement urbain.

 

Imaginons la ville de demain :

 

La deuxième initiative est non moins pertinente. Elle fut lancée conjointement par les villes de Nantes et de Toulouse en France [3]. Confrontées à une forte croissance démographique, ces deux agglomérations ont mis en place des réflexions pour imaginer les visages qu’elles auraient en l’an 2030. La démarche proposée dans les deux cas fut des plus originales. En effet, au lieu de soumettre au débat public un projet totalement pensé et conçu dans leur bureau, les autorités municipales ont préféré emprunter le chemin inverse. Elles ont invité leurs concitoyens et les différents acteurs du territoire à participer dès le début au processus qui s’est déroulé en plusieurs étapes :

 

a.)    dresser en premier lieu un tableau des valeurs et des préoccupations des habitants ;

b.)    élaborer ensuite  neuf grandes questions liées à l’économie, la solidarité, les transports, etc. ;

c.)     lancer un large débat autour de ces questions et leurs impacts sur l’avenir de la forme urbaine et sa densification, sur le type d’aménagement et le type d’habitat à privilégier ;

d.)    dégager les grandes lignes ou les principes généraux pour encadrer le développement futur de leurs agglomérations ;

e.)    et, construire enfin, sur la base de ces principes, des modèles de développement susceptibles de limiter le phénomène problématique de l’étalement urbain.

 

Dans le cas de Nantes, l’objectif recherché, d’ici à 2030, est de pousser ses habitants à se concentrer au sein de l’agglomération plutôt que dans ses banlieues [4]. Cela exige des modèles de développement qui militent en faveur d’une densification et privilégient l’option d’un habitat plus compact dont les retombées positives sur la forme urbaine sont nombreuses : mixité des espaces intimes et collectifs, préservation des espaces agricoles et naturels, développement de circuits courts de consommation, développement de transports doux, construction de bâtiments moins énergivores, etc.

 

Tout comme Nantes, Toulouse n’échappe pas, elle non plus, au problème de l’étalement urbain. En raison de ses multiples atouts en matière de formation et d’opportunités de travail, elle exerce un attrait considérable sur les populations et connait l’une des croissances démographiques annuelles les plus importantes de France [5]. Cet afflux n’est toutefois pas sans conséquences sur le plan spatial : des lotissements qui s’étalent au-delà du raisonnable et font en sorte que l’agglomération présente un territoire urbain éparse et fragmenté dont les liaisons restent difficiles à assurer de façon efficace. Pour faire face à cette situation, elle a dû lancer, elle aussi, un vaste processus de réflexions concertées sur  son avenir. La démarche fut similaire à celle empruntée par les autorités nantaises : des consultations publiques très empiriques à l’origine ont été définies de grandes orientations en vue d’encadrer le développement urbain de l’ensemble de la métropole pour les vingt ans à venir. Là aussi, la priorité est accordée à la densification du tissu urbain (regroupement habitat et activités pour limiter les déplacements en voiture) et l’accessibilité des nouveaux quartiers à l’aide d’un réseau de transports en commun plus efficace et plus écologique…

 

Villes du futur, futur des villes :

 

La troisième initiative qui mérite d’être résumée ici vient du sénateur français Jean-Pierre Sueur. « Partant du constat, peut-on lire sur le site du sénat français, que c'est sans doute dans les villes – où vit déjà plus de la moitié de la population de notre planète – que se jouera une partie du destin de l'humanité, (il) se demande comment les sociétés pourront faire face aux sérieux et multiples défis qui les attendent : utilisation des ressources en eau de plus en plus rares, lutte contre les gaz à effet de serre et contre la pollution atmosphérique, remise en question de certains modes de transport du fait de la raréfaction des carburants fossiles, prise en compte des changements climatiques et de leurs conséquences en terme d'inondations ou de climatisation des lieux de vie, problèmes posés par les fractures sociales, par les catastrophes industrielles et par l'insécurité, phénomènes de ghettoïsation, etc. » [6] Anticipant donc les menaces à la fois écologiques et sociales qui guettent la ville de demain et ses habitants, il identifie une quinzaine de défis qui se posent à la civilisation urbaine et propose quelques « 25 pistes » pour pouvoir les relever de façon satisfaisante durant les décennies à venir. Dans son rapport, intitulé « Villes du futur, futur des villes : quel avenir pour les villes du monde ? » et rédigé en collaboration avec des universitaires [7], il prône non seulement « l’élaboration d’une stratégie urbaine de long terme » pour accompagner les changements auxquels serait soumise la ville de demain, mais l’intégration également des questions relatives à l’avenir de nos cités dans les débats politiques actuels. Son but, en d’autres termes, est « d’inscrire les défis et les enjeux (auxquelles seront confrontées les villes dans un proche avenir) au cœur de ces débats ».

 

L’élaboration d’une telle stratégie est en effet incontournable à plusieurs égards : d’abord, c’est dans les villes où se concentre aujourd’hui près de la moitié de la population mondiale [8] que se jouerait véritablement le « destin de l’humanité » tout entière ; ensuite, « ce sont les villes qui portent l'essentiel de la croissance économique » de nos sociétés ; et, c’est en ces entités urbaines enfin que se poseront les problèmes à l’avenir, telles que la raréfaction des ressources naturelles, les émissions des gaz à effet de serre et la pollution, la congestion des réseaux routiers et des transports, la surconsommation des énergies en raison des changements climatiques, les fractures sociales, les violences urbaines et l’insécurité, la ghettoïsation et la prolifération des bidonvilles, etc.

 

Il en est de même pour les défis que posent de tels problèmes. Les pouvoirs publics seraient-ils en mesure de les relever de façon efficace ? Auraient-ils les moyens et les outils nécessaires (nouvelle gouvernance, innovations technologiques, réseaux intelligents, systèmes alternatifs de déplacement, etc.) pour y faire face et pour maîtriser l’ampleur du phénomène urbain qui se dessine à l’avenir ? Ont-ils enfin à leur disposition suffisamment de scenarii viables à prendre en ligne de compte pour agir dès maintenant sur l’ensemble des facteurs qui façonneront la ville de demain ? Ce sont là autant de questions auxquelles ce rapport, présenté comme étant de nature prospective, tente de répondre. Il est prospectif en effet parce que, de l’aveu même de son auteur, il traite d’abord un certain « nombre de variables rapportées à des exemples concrets » et mène ensuite « une réflexion prospective par extrapolation des tendances constatées » à d’autres cas ailleurs sur les différents continents. L’analyse de ces variables qui résument chacune un phénomène urbain précis et parmi lesquelles on peut citer ici, l’évolution urbaine, l’aménagement de l'espace, l’exode rural et son corolaire la rurbanisation, la bidonvilisation, la durabilité des projets urbains, les enjeux environnementaux, la gouvernance des villes et les politiques publiques urbaines, les politiques de marketing urbain et d'image, les transports urbains, les périphéries urbaines, les problèmes de sécurité et de violence, les migrations, etc., ont permis d’identifier 15 enjeux majeurs.

 

Ces enjeux représentent autant de défis qui vont de celui des mégapoles à celui de la pluralité des espaces dans la ville, tout en passant par ceux des limites urbaines, de l’écologie, du numérique, du social, de l’économique, du culturel et de la sécurité… [9] Leur examen, rapporté à 25 cas concrets, a permis de proposer une série d’orientations – un peu plus de deux douzaines en tout – que l’on peut classer en deux catégories et dont les énoncés peuvent être extrapolé à l’ensemble des grandes villes de la planète.

 

Il y a d’abord, celles qui relèvent de la pratique de l’aménagement du territoire et du développement urbain :

 

a.)   d’un point de vue environnemental, les émissions de carbone sont moins importantes dans les villes denses que dans les villes étalées ;

b.)   des aménagements sous forme de réseaux de villes sont préférables à ceux des métropoles et mégapoles où les enjeux humains, urbains et écologiques sont plus difficiles à gérer. Toutefois, dans la mesure où le modèle urbain du XXIe siècle demeure centré sur celui des mégapoles, des développements polycentraux et la multipolaires peuvent constituer des solutions intermédiaires acceptables ;  

c.)    le maintien de terres affectées à d’autres usages, notamment à l’agriculture, est garant d’une bonne la maîtrise du développement urbain ;

d.)   l’éradication, telle qu’elle est pratiquée, des bidonvilles ne constitue nullement la solution idéale. Seules des actions de valorisation de l’habitat et des services publics dans ces entités urbaines problématiques sont susceptibles d’en faire des quartiers comme les autres (c’est-à-dire les rendre à fois vivables et viables) ;

e.)   l’introduction d’une démarche écologique (transports, matériaux de construction, récupération, recyclage, etc.) est une nécessité dans la gestion et l’aménagement de l’espace. Il en est de même pour l’économie d’énergie qui devient l’objectif à atteindre tant au niveau des techniques de construction que sur le plan de la conception de l’habitat.

f.)    La mixité sociale est partout souhaitable car elle fait de la ville le lieu par excellence de l’urbanité, du partage et du brassage des populations. Conjuguée au bien être des habitants, elle peut être assurée par un habitat durable et de qualité ;

g.)   les modes de transports collectifs, tels que le co-voiturage, les tramways, les métros, les autobus, etc., constituent la seule alternative humaine, écologique et urbaine aux embolies engendrées par la circulation automobile dans les centres villes ;

h.)   les zonages, peu importe leurs intentions, produisent très souvent des effets ségrégatifs. Des logiques de mixité fonctionnelle permettent de mieux gérer les espaces, voire de   reconquérir adéquatement ceux qui sont voués à une seule fonction (habitat, commerce, activité, etc.) ;

i.)    la diversité urbaine, architecturale et culturelle des villes est préférable à l’uniformisation imposée par la mondialisation des formes urbaines qui a tendance à se généraliser.

 

Viennent ensuite les orientations qui ont trait aux politiques à l’égard des villes et aux questions liées à la gouvernance des milieux urbains, ses modalités, son fonctionnement et ses différentes instances :

 

a.)    la maîtrise du foncier est déterminante pour l’avenir des villes ;

b.)    des instances démocratiques destinées à gouverner des ensembles urbains agglomérés sont indispensables. Mieux encore, l’étendue de leur pouvoir au-delà des limites des tissus urbains agglomérés est souhaitable puisque les habitants des petites et moyennes villes situées dans la zone d’attraction de ces tissus font partie d’une même entité territoriale ;

c.)     dans les mégapoles, les métropoles et les agglomérations, une gouvernance à la fois globale et sectorielle est primordiale puisque elle est censée articuler pouvoirs des agglomérations et pouvoirs locaux (communes, arrondissements, quartiers, etc.) ;

d.)    la gestion des mégapoles exigent des politiques urbaines qui privilégient la coordination des acteurs publics locaux et des acteurs publics nationaux ;

e.)    une bonne articulation et la coopération entre acteurs publics et privés est garante de l’efficacité de gestion des villes ;

f.)     le devenir des villes requiert des moyens financiers considérables qui, conformément à la philosophie du développement durable, ne doivent pas se traduire par de lourds endettements étalés sur plusieurs générations ;

 

Outre ces deux grandes catégories d’orientations, le rapport rajoute une dernière. De portée internationale, celle-ci tente de faire des politiques urbaines un enjeu mondial. En effet, tout comme les questions relatives à l’alimentation, la santé, le patrimoine culturel ou l’écologie, elles méritent d’être prises en charge par l’ONU et, plus particulièrement, dans le cadre d’une « agence opérationnelle dédiée aux villes et aux problèmes urbains… »

 

Enfin, à la lumière des orientations dégagées au terme de chacune des trois initiatives décrites ci-dessus, peut-on esquisser les contours d’une formule urbaine alternative aux mégapoles et leur pollution, une sorte de « cité idéale », qui serait écologiquement correct et offrirait une meilleure qualité de vie ? Si, d’ores et déjà, de nombreux acteurs urbains misent sur des solutions d’aménagements qui visent tant bien que mal à concilier les différents enjeux environnementaux et réduire l'impact du cadre bâti sur la nature, tels que les « éco-quartiers », la ville de demain – à la fois connectée et durable – demeure, quant à elle, un vaste terrain d’expérimentation et une source intarissable de concepts tout aussi prometteurs les uns que les autres. Il faut néanmoins espérer que les solutions proposées ne se résumeraient pas uniquement à de simples îlots « écologiques » ou morceaux de cité « verts », implantés çà et là en plein cœur de nos villes. Elles doivent repenser celles-ci dans leur ensemble et non « petits bouts par petits bouts ». Elles doivent également intégrer de nouvelles idées créatives qui, au-delà du respect de nouvelles normes environnementales, soient en mesure de favoriser entre autres les liens de proximité, susciter le plaisir de la vie collective dont le triptyque « écologie, citoyenneté et solidarité » soit le mot d’ordre, et permettre enfin à la rue, comme vecteur social par excellence, de reprendre son droit de cité... 

 

Notes

 

[1] La comparaison entre Barcelone, en Espagne, et Atlanta, aux États-Unis, illustre bien ce phénomène. En effet, moins peuplée que la capitale catalane, la métropole américaine est 26 fois plus étendue et consomme, par le fait même, dix fois plus d’énergie pour ses transports. 

[2] Christelle Granja, « Quelle sera la ville de demain ? », in : L’Express, publié le 5 avril 2011 à l’adresse : http://www.lexpress.fr/culture/art/art/architecture/quelle-sera-la-ville-de-demain_978627.html.

[3] Lire le dossier intitulé « À Nantes et à Toulouse, on imagine la ville de demain » et publié par Jean-Luc Ferré et Florence Pagneux dans le quotidien catholique français La Croix, 17 juin 2011, pp. 8-9. Ce dossier peut être consulté directement sur : http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/France/A-Nantes-et-a-Toulouse-on-imagine-la-ville-de-demain-_NP_-2011-06-16-643089.

[4] Faut-il préciser ici que, dans les années 1990, 75 % des habitants vivaient dans l’agglomération nantaise et 25 % en banlieue. Depuis quelques années, la proportion s’est inversée au profit de cette dernière (55 % contre 45 %). En l’an 2030, l’aire urbaine de Nantes connaitra un bond démographique extraordinaire (plus de 150 000 nouveaux habitants, selon l’Insee. Pour accueillir ces nouveaux habitants sans nuire à la qualité du vivre ensemble qui caractérise cette région de France, les autorités municipales sont obligées de viser un retour à la situation originale en posant des gestes en faveur d’une concentration d’au moins 60 % de la population à l’intérieur du périmètre urbain de leur agglomération.

[5] Entre 1999 et 2007, Toulouse a connu une affluence de près de 20 000 nouveaux habitants la plaçant ainsi au premier rang des villes françaises de plus de 300 000 âmes qui ont connu la plus forte croissance démographique en dix ans. Faut-il préciser néanmoins que seul le tiers de ces nouveaux habitants est absorbé par la ville centre ; les autres choisissent de s’établir généralement dans la banlieue.

[6] Consulter http://www.senat.fr/les_actus_en_detail/article/villes-du-futur-futur-des-villes.html.

[7] Tout laisse croire qu’il s’agit là d’une récidive de sa part puisqu’en 1998, il avait soumis à Martine Aubry, alors ministre de l’emploi et de la solidarité, un rapport, intitulé « Demain, la ville », dont l’objectif est quasi similaire et dans lequel il lance un cri d’alarme et fait un habile plaidoyer en faveur d’« une politique de la ville – ou pour la ville » dans la mesure où celle-ci devient de plus en plus « le point nodal des contradictions » de nos sociétés (insécurité, exclusion, ségrégation, mal de vivre, problèmes de chômage, d'intégration, de logement, de transports, violences urbaines, etc.). Le renouveau de la politique de la ville dont il est question ici doit, selon lui, passer par deux démarches complémentaires : des réformes institutionnelles accompagnée d’une mise en œuvre de projets concrets qui mobilisent les habitants, les acteurs, les partenaires tout à la fois. Une copie en ligne de ce rapport peut être téléchargée directement à partir du site de la documentation française : www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/984000572/index.shtml.

[8] On estime qu’aujourd’hui près de 3 milliards d'individus vivent dans des villes. Dans trente ans, ils seront presque 5 milliards à s’entasser dans un peu plus d’une trentaine de mégapoles de 10 millions d'habitants et plus chacune. En effet, à l’horizon 2025, la planète compterait 40 « villes » de 10 à 40 millions d’habitants. 35 d’entre elles seraient situées dans les pays du sud et les pays émergeants. Par ailleurs, la population urbaine passera de 50 % à 65 %, soit une croissance de 20 000 personnes toutes les 2 heures et demie. Quant aux habitants des bidonvilles, ils passeront de 1 et 1.5 milliard.

[9] Pour en savoir plus sur à quoi renvoie chacun de ces défis, consulter le tomme 1 du rapport dont une copie peut être téléchargée à : http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-594-1-notice.html.

 

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Mots-clés : ville, futur, demain, crise, urbaine, environnement, développement, durable, étalement, transport, urbanité...

 

Pour citer cet article

 

Azzedine G. Mansour, « Quelle ville pour demain ? », in : Libres Expressions, août 2011 (https://azzedine-gm.blog4ever.com/blog/articles-cat-501249-551606-architecture___urbanisme.html).

 



15/08/2011
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